De quels devenirs-minoritaires sommes-nous les chercheur·e·s ?

Former contre les inégalités. Pratiques et recommandations pour la formation des enseignant·e·s

“…Les inégalités scolaires constituent le coeur de l'enseignement sociologique prodigué aux étudiant•e•s en formation d'enseignant•e•s et le rôle des actrices et des acteurs, notamment celui des « agents de base » (Lipsky, 2010(Lipsky, /1980, dans l'entretien de ces inégalités est un objet central de la recherche en sociologie de l'éducation. Mais, malgré une familiarisation à ces questions au cours de leur formation -par un enseignement il est vrai limité en volume horaire et souvent déconnecté des pratiques pédagogiques ) -, les discours des enseignant•e•s qui entrent dans la profession dénotent une conscience des inégalités qui reste abstraite et individualisée (Rufin, 2017 ;Serir, 2022). La difficulté à transmettre cette thématique à ce public spécifique sans la réduire à une abstraction fataliste occupe ici notre réflexion.…”

“…L'analyse de cette expérience pédagogique se nourrit de nos recherches respectives qui permettent de saisir les perceptions et les pratiques des actrices et des acteurs (étudiant•e•s en formation ou enseignant•e•s en exercice) en lien avec la formation universitaire ou avec leur exercice professionnel. Dans sa recherche doctorale centrée sur la formation des étudiant•e•s qui aspirent à devenir enseignant•e, Zakaria Serir (Serir, 2022) a mené cent quatre entretiens formels et informels, individuels ou en petits groupes, auprès de quinze étudiant•e•s, sur leur vécu de la formation ; de même, certain•e•s (n=5) ont tenu des journaux de bord tout au long de leur parcours de formation. La recherche doctorale de Diane Rufin s'intéresse aux reconfigurations du métier d'enseignant dans le cadre des transformations récentes des politiques éducatives (Rufin, 2017) ; les entretiens réalisés auprès de trente-six enseignant•e•s sur leur rapport au métier et à ses différentes composantes sont ici mobilisés.…”

“…La remarque de cette étudiante pendant le cours montre que le discours sociologique leur paraît éloigné de leur expérience. (Serir, 2022). L'élève de collège citée précédemment qui évoquait son parcours « normal », lorsqu'elle est placée dans un climat de confiance avec le chercheur, parle également de « tout ce qu'elle a détesté à l'école ».…”

“…« Dans les premières entrevues que j'ai avec les étudiants qui suivent la formation d'enseignant, ils me parlent de leurs souvenirs d'école de manière idyllique : les jeux dans la cour de récréation, les copains qu'on est content de retrouver, les enseignants compréhensifs… Pourtant, après plusieurs rencontres, une fois qu'un climat de confiance est installé, ils n'évoquent quasiment plus que des expériences négatives : le jour où l'enseignant a dit devant toute la classe qu'il avait eu une mauvaise note, le jour où elle a été punie, etc. » (Extrait du journal de recherche, [Serir, 2022]…”

“…Au fil de la formation (mais dès la première année), nous constatons que le discours idéalisé sur l'école se mêle à un discours « de réalité » qui se présente comme un discours de lucidité Serir, 2022). Certains étudiant•e•s entrent dans la formation avec l'idée de contribuer à épanouir les enfants et de les aider à grandir, mais les messages de la formation, motivés par la volonté de les préparer à la dureté du métier et au sentiment d'impuissance que vivent de nombreux enseignant•e•s en fonction, les incitent à la prudence et au recul.…”