De la radicalisation violente à la reconstruction du lien. L’accompagnement thérapeutique de Jeanne et de sa famille

Abstract

Nous présentons dans cet article une étude de cas portant sur l’accompagnement thérapeutique d’une jeune femme radicalisée (Jeanne, dix-huit ans) et de sa famille. Cette prise en charge illustre le fonctionnement de notre dispositif, le Réseau VIRAGE (Violence des Idées, Ressources et Accompagnement en Grand Est), porté par la Maison des Adolescents de Strasbourg. Nous développons en détail l’accompagnement de Jeanne et de sa famille : le parcours de la jeune femme, nos hypothèses de travail (qu’elles portent sur le fonctionnement psychologique de Jeanne, sur la qualité des liens d’attachement dans la famille ou sur la dynamique intergénérationnelle), les prises en charge mises en place et l’évolution clinique générale. Cette monographie montre la nécessité d’une approche pluridisciplinaire de la radicalisation et l’importance d’intégrer la thérapie familiale à la prise en charge des jeunes concernés par ce phénomène.

Phénomène de radicalisation à l’adolescence : comment intégrer les recherches de ces dernières années ?

“…Souvent, les systèmes familiaux dans lesquels ont grandi ces jeunes s'organisent eux-mêmes sur la base d'une forme d'emprise du groupe familial [27,28]. Ainsi, un adolescent confronté aux enjeux de séparation et d'individuation propres à son âge se trouve dans une grande difficulté pour se distancier avec souplesse des figures parentales.L'adhésion à un groupe sectaire peut alors apparaître comme une solution à cette situation d'impasse : l'engagement djihadiste n'est pas seulement une manière de se soumettre à un ordre hétéronome rigide, mais également un moyen pour le sujet de s'autonomiser comme individu et « se rebeller contre d'autres ordres (sa famille, la société dans laquelle il vit, les musulmans modérés…) »[29]. Ainsi, dans une série de cas d'adolescents (N=25) suivis pour radicalisation à Strasbourg, la moitié d'entre eux présentaient des mouvements d'autonomisation entravés par un système familial.…”

A Clinical and Psychopathological Approach to Radicalization Among Adolescents

“…These observations allowed us to formulate a hypothesis about convicted adolescents: Radical and violent ideologies release these adolescents from family psychological control and lead them to a connection that remains familiar, as previous clinical comments have suggested ( 31 , 32 ). Many of the convicted adolescents in our sample seemed to experience early psychological control in their families ( 43 ), whose members also seemed to present a form of dependence and for which the “third-party function” of the law was fragile.…”

“…The objective is to support them throughout adolescence, to help them find a sense of belonging in their environments and to regulate family transactions in more harmonious ways so that the external struggle they display can be internalized. During our psychotherapeutic follow-up, we tried to help adolescents build their identities and to present themselves to others in a more independent, measured way by giving up a position of omnipotence and domination ( 32 , 41 ).…”

“…When a table with these characteristics had been established, we noted whether these characteristics were present for each subject we included (see Tables 1–4 ). The grid included a list of characteristics identified regarding sociodemographic traits and education ( 20 , 25 , 26 , 38 ) and qualitative psychopathology ( 29 – 32 , 39 – 42 ). Campelo and Oppetit homogenized the characteristics identified by each author.…”

“…However, the marginal aspect of radicalization and the lack of publications offering a psychopathological perspective on radical conduct among adolescents justify this choice. It would be interesting to extend the present research through other studies that create a dialogue between public health studies ( 64 – 67 ), investigations using standardized scales in medium-sized samples of adolescents who are “at risk of radicalization” or who have become “radicalised” ( 26 , 68 ), and studies with a psychopathological perspective based on concrete case reports ( 28 , 29 , 32 , 33 ).…”