D'une persécution l'autre : racisme colonial et antisémitisme dans l'Italie fasciste

Abstract

Dans quelle mesure les lois antisémites adoptées en Italie en 1938 s’inscrivaient-elles dans la continuité du racisme colonial institutionnalisé en Éthiopie,deux ans plus tôt? Le lien entre les deux épisodes a souvent été mentionné sans que l’on comprenne toujours s’il était de l’ordre de la généalogie de la causalité – une politique en ayant induit une autre –, de l’analogie ou du champ d’expérience. Après un examen de l’historiographie, une analyse comparée des discours et des pratiques de stigmatisation est esquissée.Racisme colonial et antisémitisme s’inscrivaient dans des traditions culturelles différentes et engendrèrent des systèmes de persécution en partie dissemblables.Il n’en reste pas moins qu’une logique politique commune fut à l’œuvre visant à imposer l’ordre totalitaire fasciste, à transformer le caractère des Italiens et à forger l’homme nouveau fasciste.

De l’identification de la persistance du colonial à sa mise en travail : l’analyse socio-clinique de récits de vie de sympathisants ou membres affiliés à l’association antiraciste Les Indivisibles

“…À un second niveau, ma théorisation s'appuie sur une élaboration conceptuelle du sentiment d'identité consolidée à partir du concept « racisme colonial », qui renvoie dans la littérature scientifique à l'esclavage des Noirs ou à la colonisation, et, par extension, aux discriminations subies par les immigrés et assimilés dans 1 Cette expression est utilisée sur la scène militante pour dénommer la manière dont le fait colonial -perçu comme système ou régime politique -se construit comme forme de domination sur la base des appartenances de race. Dans la littérature scientifique, l'aspect politique du fait colonial est désigné par le concept de colonialité (Mignolo, 2001) alors que le racisme colonial désigne le traitement discriminatoire subi par les colonisés et/ou esclaves dans les empires coloniaux (Gallissot, 1985 ;Giraud, 2002 ;Matard-Bonucci, 2008 ;Rudder-Paurd (de), 1991 ;Wouako Tchaleu, 2015 (Franchi, 2009 ;Hajjat et Mohammed, 2013 ;Payet et Franchi, 2010). C'est de cette manière que j'ai construit un cadre théorico-clinique avec lequel j'ai pu rendre compte et identifier l'effectivité des processus inconscients déterminant la persistance du fait colonial et sa mise en travail par les récits de vie 8 .…”