Cet article propose une analyse comparée de l’évolution des communs dans deux grandes régions de l’Europe méridionale médiévale : l’Italie du centre-nord et le plateau du Duero dans la Péninsule ibérique. Au cours des dernières années, les recherches menées à partir des études économiques d’Elinor Ostrom sur différentes régions d’Europe du Nord ont insisté sur la centralité des communs dans l’agrosystème et l’organisation des communautés depuis le haut Moyen Âge. Face à une Europe du Nord résiliente, où la présence de biens communs stables a permis de résorber les inégalités sociales, les communs en Europe du Sud auraient été moins solides, entraînant une moindre cohésion des communautés. L’étude comparative de longue durée des deux régions met en évidence l’existence de biens communs dès le début du Moyen Âge, puis leurs évolutions successives au Moyen Âge central et au bas Moyen Âge, en même temps que les pratiques documentaires qui les ont enregistrés. Cette résilience a pris des formes différentes dans chacune des régions, en raison de facteurs contingents tout aussi divers. Partie prenante d’une « économie morale », les biens communaux ont donc pu s’adapter à des conditions changeantes et à la présence de nouveaux acteurs sociaux. Finalement, ces formes d’utilisation collective, en dialogue constant avec les notions de propriété et d’appropriation, étaient liées à la création et à la pérennité d’identités (rurales, urbaines) opérant à différentes échelles.