Mathematics, 1903, p. 89) Un grand nombre d'élèves qui étudient les mathématiques dans les collèges ou dans les lycées éprouvent parfois une réelle difficulté à saisir en profondeur la notion de variable ; ils se découragent alors et, ensuite, ils se jugent « nuls en maths » ; plus tard, ils se décrètent inaptes à saisir toute pensée mathématique : « ils ne sont donc pas doués pour les chiffres et les formules algébriques ». N'est-il pas fréquent d'entendre : « c'est de l'algèbre, je n'y comprends rien » ? Or, un des blocages qui peut entraver la progression des élèves dans l'apprentissage des mathématiques est souvent étroitement lié à l'absence de la maîtrise du concept de variable, un autre blocage, qui lui est étroitement corrélé, étant une compréhension trop insuffisante de la notion de fonction. Les enseignants de mathématiques n'ont peut-être pas toujours mesuré l'extrême complexité cognitive de ces deux notions, pourtant fondamentales dans le développement des mathématiques. Pourtant, l'émergence historique de ces deux notions a demandé des efforts d'abstraction très importants aux arpenteurs, aux commerçants, aux calculateurs qui ont progressivement ouvert la voie aux notations algébriques mises en place par François Viète puis perfectionnées par René Descartes. Certains mathématiciens ont eu, en effet, des scrupules intellectuels 4 à manipuler, par 4 Cf. plus loin : § 2.3.J.-P. DESCLES, K.-S. CHEONG 45 les mêmes règles, d'un côté, des expressions qui dénotent des objets déterminés et d'un autre côté, des symboles qui peuvent dénoter plusieurs objets (les valeurs d'une variable) ou des « entités inconnues » ou encore, parfois, ne rien dénoter lorsque, par exemple, aucune solution n'a été trouvée à une équation. L'introduction des variables dans la notation des fonctions en complique la compréhension, bien que, dans ce contexte, une variable soit directement associée à l'idée même de variation : lorsqu'une quantité varie, une autre, qui lui est liée, varie également mais dans une autre proportion. Quant à la logique, qui cherche avec Frege, Peirce, Russell et Peano, à analyser formellement la langue des mathématiciens, elle a introduit dans la formalisation de la quantification, une distinction nette entre les « variables libres » et les « variables liées » (ou mieux « muettes »). Or, cette distinction est-elle fondamentale et nécessaire à l'expression formelle de la quantification ? Nous verrons que non. Par ailleurs, certains langages de programmation font appel aux variables et notent des processus d'affectation, par exemple « x := x+1 », en signifiant par là que la nouvelle valeur de « x » doit changer en fonction de la valeur déjà assignée à « x ». En procédant ainsi, on introduit, de façon totalement implicite, une certaine temporalité dans le calcul, mais sans pour cela la noter explicitement.Devant tous ces emplois, s'agit-il de la même notion ? On peut alors comprendre que l'élève, tout particulièrement celui qui est scrupuleux, puisse être inquiet, surtout lorsqu'il essaie de « comprendre e...