Actrices des mutations ou responsables de leur précarité ?

Abstract

La construction des statistiques de travailleur pauvre tient pour acquis que les ménages mettent en commun leurs revenus et perpétue une vision du monde du travail reposant sur la norme de l’emploi à temps plein et permanent. Partant du concept de revenu d’activité proposé par S. Ponthieux (2009), cet article met en lumière les impacts du choix d’une définition de travailleur sur la représentation statistique de la pauvreté en emploi : les femmes constituent la majeure partie des travailleurs pauvres et leur pourcentage parmi les ménages de travailleurs pauvres progresse. Leur insertion sur le marché du travail s’avère ainsi très inégale, et cette inégalité est renforcée par des politiques publiques qui s’appuient sur la division genrée et racialisée du travail pour réduire ses coûts de main-d’oeuvre.

Crises et transitions : quelles données pour quelles analyses ?

“…En ce début de XXI e siècle, le marché du travail est encore sujet à de profondes transformations structurelles, alors que les formes atypiques de travail et de statuts en emploi se multiplient, avec souvent une diminution des sécurités ou droits du travail et un appauvrissement des travailleurs et travailleuses (Pires de Sousa & Noiseux, 2013). Les inégalités tendent à « se multiplier » dans les parcours (Dubet, 2000), en parallèle à la persistance des inégalités « classiques » fondées sur le genre, l9origine ethnoculturelle, le diplôme, et la catégorie professionnelle (Yerochewski & Fortier, 2013 ;Lechaume & al., 2022 ;Kamanzi, 2019), et aux inégalités intracatégorielles dans l9emploi (Vultur & Bernier, 2013), susceptibles de se révéler aussi au regard du temps, par la résistance variée à l9imposition de nouvelles normes temporelles au travail ou la possibilité de se réapproprier de son temps (Bouffartigue, 2012) (Muller, 2009). Ces interprétations du réel sont susceptibles de mener à une réduction du problème, de la réalité sur laquelle on veut intervenir, en mettant de côté des problématiques ou dimensions sous-jacentes (Binet, 2019), dans le cadre d9une tendance depuis plusieurs années à la personnalisation des politiques publiques (Duvoux, 2009) Eurofound, 2012).…”