Rester enfant, devenir adulte: la cohabitation des étudiants chez leurs parents

Gestion des consommations, gestion de l’information

“…Cacher consiste en une stratégie intentionnelle de duperie et de maquillage de la réalité, tandis que ne pas montrer se conforme à l'articulation des différents espace-temps de la famille contemporaine (Singly, Ramos, 2010). La séparation spatiale de la vie à soi permet d'éviter d'avoir recours aux stratégies à mettre en place dans le cadre relationnel (Ramos, 2002). L'intérêt de garder pour soi est de maintenir les parents dans l'ignorance, voire dans l'innocence, en espérant ne pas être interrogé sur des pratiques qu'on préfère taire.…”

“…Pour G. Simmel (1999), ne pas dire et mentir sont les formes passive et active du secret (Petitat, 1998). Cette différence de degré entre omission et mensonge (Fainzang, 2006 ;Ramos, 2002) s'avère essentielle pour les jeunes interviewés. Les jeunes s'arrangent en effet souvent pour ne pas avoir à mentir formellement à leurs parents, soit par la pratique (ne pas montrer, cacher), soit à défaut par le discours (ne pas dire).…”

“…Les arguments avancés renvoient tantôt à l'évitement utilitariste de certaines conséquences (l'interdit, le conflit, la sanction), tantôt à la mise en avant de certains droits ou principes moraux. Au risque du paradoxe, le mensonge peut être légitimé au nom de certaines valeurs comme la liberté, le respect de la vie privée, mais aussi au nom du respect des parents et du maintien d'une relation de complicité et de confiance (Ramos, 2002).…”

“…Lorsqu'il n'est pas totalement désintéressé, il rejoint la notion de « mensonge blanc » qui définit le mensonge « qui ne porte pas préjudice à autrui », qui assure le « maintien de la continuité relationnelle » tout en étant « "blanchi" par le droit à l'intime » ou par le « droit au secret » (Khoury, 2015). E. Ramos (2002) parle de dimension « positive » du mensonge puisqu'il permet de construire et de protéger une « zone personnelle » tout en épargnant les parents d'une inquiétude présentée comme inutile. Le mensonge ou l'omission apparaissent comme des stratégies de régulation qui permettent de préserver son autonomie en évitant le conflit.…”

“…L'autonomisation progressive des jeunes peut se définir comme le processus qui vise à acquérir la capacité à diriger sa vie en construisant une certaine identité dans son rapport à soimême, aux autres et au monde (Ramos, 2011). Elle passe par la préservation et la culture d'un espace personnel, incarné par exemple par la chambre à l'adolescence (Ramos, 2002 ;Singly, 2006), et plus largement par ce qui est vécu et revendiqué comme relevant de la vie privée. Cette autonomisation n'est pas synonyme de liberté totale.…”