Marajó, l'Amérique du Sud et le monde L'origine de ce livre est un atelier tenu sur l'île de Marajó, à l'embouchure de l'Amazone, qui a été un lieu propice à la réflexion sur les « Interactions sociétés-environnements en Amé-rique du Sud à l'aube du III e millénaire ». À peine plus petite que les Pays-Bas (40 100 km² contre 42 508 km²), cette île peuplée d'un peu plus de 500 000 habitants (contre 17 millions aux Pays-Bas), se signale en effet par un environnement en grande partie amphibie sous climat équatorial, une basse densité d'occupation (13 habitants/km 2 contre 400). Y prédo-minent, à côté de petites exploitations familiales, les grandes exploitations d'élevage, notamment de buffles qui se trouvent aussi bien dans cet environnement chaud et humide qu'en Asie, d'où ils ont été originellement importés. Donc un bon lieu pour réfléchir sur la diversité des milieux naturels et des formes d'occupation du territoire en Amérique du Sud, son insertion dans la mondialisation, ainsi que sur le fait que les échelles n'y sont pas les mêmes que dans le Vieux Monde.Le livre reflète bien les approches de ce moment fondateur du réseau Strategic Monitoring of South American Regional Transformations (Smart), aujourd'hui intégré au réseau Politicas Publicas en America Latina (PPAL), coordonné par le Centre du développement durable de l'Université de Brasilia (UnB-CDS) et le Cirad. Tenu au tout début du nouveau millénaire, l'atelier se situait -comme l'indique l'introduction du livre -dans une conjoncture de « changements profonds se profilant tant au niveau local qu'à l'échelle planétaire », un contexte où « l'Amérique du Sud avait certainement quelques cartes majeures à jouer », comme cela s'est depuis lors largement confirmé. Parmi eux une « importante réserve de terres vierges au fort potentiel agricole et agro-industriel » qui a permis à « quelques groupes, notamment dans le secteur de l'agro-industrie [de se positionner] fortement à l'échelle mondiale, en particulier au Brésil, en Argentine, au Chili et en Colombie ». Et ce malgré « quelques doutes sur la réelle prise en compte des données environnementales, de même que sociales, dans les choix techniques et économiques des différents acteurs, du local au global », ce qui est un délicat euphémisme.En effet, « dans le domaine de l'environnement, les changements sont frappants ». Frappants mais inégalement notés car, alors que « le monde entier connaît la déforestation en Amazonie […] en revanche, on ne parle pas de l'immense Cerrado [ni] de la forêt Atlantique dont l'aire géographique s'étend le long de la frange côtière sur quatre mille kilomètres et dont il ne reste plus que 7 % de l'aire initiale ».Situation paradoxale donc, de promesses et de menaces. Mais qu'on n'attende pourtant pas de ce livre qu'il se limite à une analyse globale et vague des potentiels agricoles du continent et de sa capacité à nourrir la planète, ni à des cris d'alarme sur la dégradation des milieux « naturels » (qui le sont en général bien peu cinq siècles après l'arrivée des premiers conquis...