C'est un honneur immense pour moi que d'inaugurer le cycle des conférences Lévi-Strauss. Je voue une sincère admiration à celui qui fut le plus grand anthropologue du xx e siècle et dont l'influence a été décisive pour l'anthropologie au Brésil, en particulier dans la formation que j'ai reçue au Museu nacional de l'Université fédérale de Rio de Janeiro. Son oeuvre a placé les peuples indigènes sud-américains au centre de discussions, non pas comme le faisait l'anthropologie de son temps, où les pratiques et la pensée indigènes étaient vouées à s'ajuster aux catégories anthropologiques, mais, au contraire, en permettant que ces pratiques et cette pensée donnent lieu à la création de nouvelles catégories et de nouveaux concepts qui ont depuis révolutionné l'anthropologie américaniste. Son entreprise intellectuelle eut également d'importants effets politiques, car, tout en soulignant l'intelligence et la sophistication des peuples indigènes, elle a contribué, au Brésil, à faire en sorte que des garanties légales visant à la protection de leurs terres et de leurs traditions, aujourd'hui encore menacées dans mon pays, soient inscrites dans la Constitution. Aussi, parler de la pensée de ces peuples dans cette institution où a été initiée, par la voix de Lévi-Strauss, relayée désormais par celle de Philippe Descola, la plus importante et la plus révolutionnaire réflexion qui soit à leur propos, est sans aucun doute une grande responsabilité pour moi. Mais le pouvoir d'enchantement et de séduction de cette pensée originelle m'encourage avant tout à tenter d'en être ici la porte-parole.