Le transfert linguistique 1 , c'est-à-dire l'influence de la L1 de l'apprenant sur sa performance en L2 est un phénomène qui est habituellement abordé de deux points de vue principaux : du côté des langues concernées -ce qui a donné lieu à de nombreuses études de cas -ou du côté du mécanisme psychocognitif qui sous-tend le phénomène. La plupart des travaux qui traitent du transfert de manière générale sont axés sur l'aspect cognitif, ou, si une approche plus clairement linguistique est privilégiée, cette dernière se base sur les présupposées de la linguistique cognitive chomskyenne ou langackerienne (ou, dans le cas des travaux plus anciens, sur celles de la psychologie behavioriste 2 ). Quant au transfert sémantique, les travaux connus sont exclusivement cognitivistes : il semble que la sémantique est habituellement considérée comme un lien entre la langue et le monde, par le biais des représentations mentales des sujets parlants.Il convient avant tout d'expliquer pourquoi la présente étude ne s'inscrit pas purement et simplement dans ce type de cadre, et comment il est possible qu'elle ne constitue pas non plus, pour autant, une critique frontale vis-à-vis de ce dernier. D'un côté, le point de vue de cette étude est linguistique, dans le sens où les objets étudiés sont des entités des langues et non pas le langage en tant que faculté cognitive. L'approche choisie est celle d'une sémantique instructionnelle, une spécialité typiquement française parmi les courants linguistiques, sémantique qui décrit les significations comme des entités internes des langues. C'est un type de sémantique qui vise à décrire le modus operandi des unités linguistiques, autrement dit, les instructions que les mots (ou structures) fournissent en vue de leur propre interprétation. Comme ces dernières varient souvent d'une langue à l'autre (d'un mot en L1 à sa traduction en L2), l'hypothèse que les apprenants puissent transférer les instructions vers leur L2, donnant éventuellement lieu à des erreurs, est très plausible. En effet, on peut supposer que l'anglophone qui appelle en français une relation de couple partenariat 3 le fait parce qu'en anglais, le mot partnership ne fournit pas d'instruction restrictive sur son sens. D'un autre côté, il n'est nullement nécessaire pour cette étude que les résultats des travaux faits à partir d'une approche cognitiviste soient invalidés : si certains présupposés sont critiqués ici pour justifier la nécessité d'explorer les possibilités d'une autre approche que l'approche cognitive, l'objectif du présent travail est fondamentalement différent des travaux cognitivistes sur le transfert sémantique.Pour éviter toute redondance, et parce que ce n'est pas, stricto sensu, du ressort du linguiste, cette étude n'a pas comme objectif d'expliquer le mécanisme du transfert linguistique (sémantique ou autre), encore moins ses motivations psychologiques. Elle s'interroge sur l'observabilité du phénomène, explore les modalités de sa description dans un cadre scientifique, et elle cherche à réhabiliter le transfer...
Le point de vue pris au motEst-ce qu'on boit du vin en hongrois comme en français ? Zsófia VárkonyiÉdition électronique
Observation introductive : un usage non-standardLorsqu'on parle des particularités dialectales d'une langue, on pense le plus souvent à un ensemble formé d'un vocabulaire particulier (mots archaïques et/ou en patois), d'expressions caractéristiques, et parfois d'usages non-standards ou archaïques de la grammaire de la langue en question. Il est moins fréquent -et moins aisé -de relever les particularités qui consistent à utiliser les unités linguistiques de la langue standard mais en leur associant des significations différentes. Mettre en évidence et décrire ces divergences sémantiques devrait être, en principe, le travail des sémanticiens, mais les sémanticiens s'intéressent relativement rarement aux usages régionaux, les considérant comme des objets d'étude privilégiés de la sociolinguistique. Or, la sociolinguistique est justement à même de fournir un corpus potentiellement intéressant à la sémantique, qui peut de son côté produire des descriptions sémantiques adéquates aux éléments de ce corpus.La présente étude sémantique porte sur une particularité dans la manière d'utiliser le morphème 'à peine' en Franche-Comté. Elle est appelée à être complétée par une analyse sociolinguistique : mon but n'est ni de marquer les limites géographiques de cet emploi, ni d'analyser les différences d'usage entre milieux urbain et rural, ou encore entre gens cultivés et gens peu instruits. J'ai tâché de me limiter aux aspects sémantiques du phénomène : l'observer et tenter d'en rendre compte au moyen d'un outil de description de la signification. Les tests que j'ai faits auprès des locuteurs ne servent qu'à confirmer l'existence du phénomène observé et n'ont en aucun cas de valeur de statistique. J'exposerai néanmoins par la suite les résultats de ces tests qui permettent de concevoir dans quelles sortes de cas cet emploi particulier peut être attesté, et qui, j'espère, pourront intéresser des sociolinguistes et les inciter à en dresser une carte plus exacte 1 .Ces précautions étant prises, je me borne à signaler quelques occurrences d'énoncés attestées in situ 2 , occurrences pour le moins surprenantes :(1) Je suis désolée, je suis à peine en retard. On remarquera que dans les énoncés cités ci-dessus, il ne s'agit pas seulement de l'utilisation de l'expression 'à peine' dans un sens légèrement inhabituel, on a l'impression que le choix de l'expression est complètement inadapté. L'énoncé (1) est difficile à interpréter en français standard, le (2), quand on connaît la situation d'énonciation, est quasiment impossible ; et pour peu que l'on ait quelques notions musicales et que l'on sache que la gamme de Sol est plus grave que celle de La, le (3) l'est également. Étant donné que ces énoncés n'avaient pas l'air de provoquer de problèmes de compréhension au moment de leur production, l'observateur est amené à admettre que l'expression doit avoir une signification différente en français dialectal, plutôt que de penser que les Francs-Comtois utilisent mal le français. « Significations différentes » ne veut pas nécessairement dire...
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