LE MUSEE DU PRADO. 13 d'analogie et plus d'un point de contact; mais, pour la faire accepter, cependant, il resterait à démontrer que le tableau de Dresde est bien autlientiqueraent du Titien et non du Giorgione. Aisément, au surplus, on trouverait parmi les quarante et une peintures de Tiziano Veccelli (1477-1576), conservées au Musée du Prado, plus d'un morceau traité dans cette belle gamme chaude et étouffée, qui rappelle, à faire illusion, l'opulente coloration du Giorgione. N'est-elle donc pas, entre autres, toute giorgionesque, au moins dans son intense tonalité et dans la magie de sa réalité, cette fière Salomé portant, dans un plat d'argent, la tête tranchée du Baptiste? Cambrée sur ses hanches puissantes, le haut du corps légèrement renversé en arrière, elle passe triomphante, emportant son sanglant trophée. Quelle superbe créature et quelle carnation saine, jeune et vivante ! Qui ne la croirait vraiment peinte, comme disait le Tintoret, avec de la chair broyée? Dans le modèle, on retrouve les traits de Lavinia, la fille du maître, la même qui a posé fréquemment pour ce même sujet : Saint-Pétersbourg, Berlin et la collection de lord Grey, en conservent des exemplaires variés, différant tout au plus par la nature de l'accessoire que porte l'adorable fille. L'influence des méthodes du Giorgione est encore sensible dans les deux toiles intitulées, au catalogue du Prado : la Bacchanale et l'Offrande à la Déesse des Amours, que le Titien peignit pour Alphonse I er d'Esté, duc de Ferrare, entre les années 1514 et 1516. Ce prince s'était d'abord adressé, pour décorer un cabinet dans son palais, à Dosso Dossi, qui y avait exécuté plusieurs sujets mythologiques; puis il avait commandé au vieux Giovanni Bellini une Bacchanale. Bellini, quoique âgé de quatre-vingt-sept ans, peignit les figures, laissant inachevé le paysage qui devait servir de fond. Alphonse appela alors pour le terminer Titien, qui compléta en même temps la décoration du camerino à l'aide de trois nouvelles compositions, dont la troisième, Bacchus et Ariane, appartient à la National Gallery. L'artiste était alors dans toute sa force ; aussi, ces trois ouvrages sontils considérés comme des plus parfaitement beaux qu'il ait exécutés. Enlevés du palais de Ferrare, ils allèrent d'abord orner à Rome le palais Ludovisi, puis ils devinrent la propriété des Pamfili qui, vers 1638, offrirent à Philipe IV, la Bacchanale et l'Offrande. « Ce sont ces tableaux,dit M. Reiset dans ses notices sur la National Gallery,que Michel-Ange avait si bien appréciés dans sa visite au duc de Ferrare en 1530, que plus tard Dominiquin et Poussin ont étudiés avec tant d'amour et dont Augustin Carrache 14 LES MUSÉES DE MADRID. disait : Sono le pih belle pitture del mondo, e chi non le ha viste puô dire non aver visto mai alcuna maraviglia deïï arte. » La Bacchanale a pour théâtre un paysage dans l'ile de Naxos, au bord de la mer; à l'horizon, sur les flots bleus, disparaît la voile qui emporte l'ingrat Thésée. Ariane, l'abandonnée, est endormie près d'un ruisseau qui roule du v...
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