, Chargée d'étude à l'Observatoire National de l'Enfance en danger 2 Cet article vise, à travers l'expérience d'enfants et de jeunes de l'aide sociale à l'enfance, à mettre à l'épreuve l'idée de l'individualisation de l'action publique, ainsi que ce qu'elle implique en termes d'accompagnement des publics concernés. A partir de 31 récits de parcours d'enfants et de jeunes de 11 à 25 ans, nous avons cherché à comprendre les paradoxes d'une acquisition de l'autonomie sous contrainte. Il ressort des récits biographiques des enfants placés, l'expérience de conditions de socialisation extrêmement paradoxales. Alors que les enfants ne disposent pas toujours d'un espace de réflexivité pour élaborer leur propre histoire, sont peu associés aux décisions qui les concernent et voient les liens tissés durant la prise en charge peu reconnus, il leur est demandé en permanence de se raconter et de s'engager biographiquement. Le dispositif de protection de l'enfance marque un point d'entrée de la puissance publique dans les familles où des enfants dits « en danger ou en risque de l'être » peuvent être retirés à ces dernières à des fins de protection. Il met en scène des acteurs pris dans des relations contraignantes aux institutions, captifs de décisions qu'ils ne maîtrisent pas. La domination de classe subie par les familles concernées, défavorisées, contrôlées 3 , stigmatisées a été analysée de longue date. Ce qui a moins été analysé, c'est la double asymétrie des positions entre des professionnels, forts de leur légitimité, et des enfants et des jeunes, en position de minorité et au final « invisibilisés » dans le processus de décision de leur propre situation 4. En miroir, les chercheurs ont longtemps témoigné de réticences à interroger les enfants et les jeunes 5 , notamment lorsque ceux-ci se trouvent en situation de vulnérabilité ou de maltraitance 6. Les entretiens qualitatifs, ayant pour finalité la reconstitution de parcours complexes à partir du point de vue des professionnels,des parents, mais aussides enfants, commencent seulement à se développer en protection de l'enfance.Ce qui ressort principalement des récits des enfants interrogés, c'est un sentiment de dépossession de leur trajectoire de vie, une quête de sens et de cohérence dans l'élaboration de leur parcours 7. A la différence de la légitimité croissante des enfants et des jeunes de la population générale à 1 Pierrine Robin, REV-CIRCEFT (EA 43 84), OUIEP,