La construction de l'autorité en contexte. L'effacement du dissensus dans les discours institutionnels Qui mobilise la notion d'autorité et étudie sa construction en discours se trouve bien vite sommé de situer sa démarche au regard des positions, aussi célèbres que discutées, de Pierre Bourdieu : en affirmant, dans Ce que parler veut dire, que « l'autorité advient au langage du dehors » (1982, p. 105), le sociologue appelait l'attention sur les mécanismes sociaux de la légitimation, voire de la consécration des « porte-parole », imposteurs dotés du skeptron et représentants privilégiés de l'accès inégalitaire à la parole légitime. Ce dossier, qui s'interroge plus particulièrement sur l'autorité des locuteurs institutionnels, n'a nullement pour objet de récuser l'existence ni l'efficience des « rites d'institution » dont l'opérativité sociale et symbolique a si bien été mise en évidence, par P. Bourdieu lui-même, dans La noblesse d'État notamment (Bourdieu, 1989, p. 121). Il paraît pourtant bien difficile de suivre le sociologue sur la voie d'une affirmation aussi radicale que celle qui est rappelée ci-dessus. Nous ne reviendrons pas sur les conceptions linguistiques et discursives qui sous-tendent une telle position, et auxquelles Pierre Achard a fait un sort dès la publication de l'ouvrage (Achard, 1983), et nous l'envisagerons plutôt sous l'éclairage des contributions ici rassemblées. Il faudra tout d'abord s'entendre sur le « dehors » dont il peut être question : le partage entre les locuteurs légitimes et les « sans voix » est un peu vite opéré par P. Bourdieu à l'échelle très large de l'espace social, et l'on verra par exemple, dans l'article d'Isabelle Huré, que des magistrats, locuteurs autorisés par excellence, adoubés par l'institution et représentants d'une fonction régalienne, peuvent voir leur autorité fragilisée et comme marginalisée, au regard de la parole des victimes, dans le cadre de débats télévisés portant sur la « récidive » : un tel cadrage thématique, qui met l'accent sur le risque couru, induit déjà la prééminence de la parole des victimes, mais surtout le dispositif télévisuel, favorisant l'expression d'émotions, relayant plus volontiers le désarroi et la souffrance que les propos mesurés et juridiquement contraints des