Dès le premier siècle de l’hégire, pour s’imposer comme la seule voie légitime qui représente fidèlement l’islam contre les familles religieuses rivales, notamment le šī‘isme et le āriğisme, le sunnisme, comme ces derniers, a dû largement user des traditions prophétiques. Néanmoins, les règles qu’il érigera pour fonder cette nouvelle matière de connaissance religieuse ne verront le jour qu’un siècle plus tard. Suite aux rivalités politico-religieuses qui les avaient suscitées en partie, une fois développées et réorganisées progressivement en système de contrôle, ces règles allaient s’appliquer à toutes transmissions de traditions, sans en excepter celle de garants sunnites eux-mêmes. Au sein de celle-ci, certains rapporteurs de hadiths, d’une prolixité impressionnante, particulièrement versés dans le renoncement (zuhhād) et la dévotion cultuelle (ubbād), se sont révélés de peu de foi, voire des menteurs notoires; raisons suffisamment convaincantes pour qu’ils soient catalogués, par des critiques farouchement fidèles au traditionnisme, comme une catégorie distincte de transmetteurs indigne de confiance. Leurs hadiths, tant au niveau des matns qu’au niveau des isnāds, tout au long des trois générations successives des salafs, ont été scrutés de très près, puis évalués et enfin décrétés impropres à la transmission (matrūk). En effet, la « forgerie » des hadiths, qui était de mise dans ce milieu, ne laissait pas de s’accentuer pour devenir un art de subterfuge dont se réclamaient ouvertement, dans la noble intention de servir la communauté sunnite, de notoires ‘renonçants’.