Promues comme un outil pour la mise en oeuvre du paradigme collaboratif et comme un remède à l'échec scolaire par l'institution scolaire, les rencontres individuelles entre enseignants et parents ont été récemment systématisées. Constatant que l'élève y assiste dans la majorité des cas, cet article explore la place qui lui est faite et détermine la conception de l'enfant qui prévaut dans l'école. Basé sur une enquête ethnographique menée dans trois établissements scolaires défavorisés du canton de Genève (Suisse), il montre que le rôle de l'élève est ambivalent au cours des échanges. Dans l'entretien mis en scène par les enseignants pour asseoir leur expertise et leur professionnalité, l'élève est aussi sollicité pour relater son vécu scolaire et pour permettre aux enseignants d'ajuster leurs pratiques. Lorsque l'élève rencontre des difficultés, l'entretien vise à agir sur lui afin qu'il acquière des pratiques scolaires adéquates et définies par les professionnels. En somme, l'article souligne la conception et l'usage pluriels de l'élève à l'école, entre un acteur à écouter et à entendre et un autre qu'il s'agit de transformer et d'acculturer aux normes scolaires.
Dans le système scolaire genevois, le traitement des difficultés scolaires se caractérise par sa progressivité, par un repérage précoce et implique régulièrement l'externalisation des solutions vers des dispositifs médico-psycho-pédagogiques. En contexte défavorisé, ce recours est d'autant plus fréquent que beaucoup de familles sont jugées incapables de participer à l'amélioration des résultats de l'enfant. Dès lors, le rôle des enseignants consiste à convaincre les parents des problèmes de leur enfant et à leur faire accepter leurs constats et les solutions institutionnelles proposées, au nom de l'intérêt de l'élève. À partir de l'observation d'un grand nombre d'entretiens parents-enseignantes en contexte défavorisé (n = 150), l'article montre que ce dispositif, présenté publiquement comme un lieu de coopération entre l'école et les familles, s'avère aussi être un espace de production du consentement parental.
Les deux documents présentés sont issus d'une enquête sur la biographie d'Aimée Jean-Baptiste, une institutrice noire d'origine guadeloupéenne arrivée en métropole au cours des années 1950 1 , comme tant de femmes antillaises qui, dans le sillage de la départementalisation, traverseront l'Atlantique en quête d'une vie meilleure ou différente 2 . Le premier document est un rapport d'inspection la concernant, daté du mois d'avril 1959 : J'ai le regret d'attirer votre attention sur le cas de Melle JEAN-BAPTISTE Aimée. Cette remplaçante, qui est originaire de la Guadeloupe, (née en 1931), est de bonne éducation, de bonne tenue, et sa situation la rend digne d'intérêt : à ma connaissance, elle n'a pas de famille dans la Seine ; si elle ne travaille pas, elle risque donc d'être pécuniairement gênée. Malheureusement, Melle JEAN-BAPTISTE est incapable, par nonchalance, par manque d'autorité, de tenir une classe ; la préparation des leçons est insuffisante, et la discipline fait totalement défaut. Malgré leur bienveillance, les trois directeurs d'école et la directrice qui l'ont employée jugent qu'elle n'est pas à sa place dans une école primaire. Voici, à titre de document, un seul rapport, émanant d'un directeur très bienveillant 3 . 1 Nous avons retracé son parcours dans Deshayes & Pohn-Weidinger 2017. Voir compte rendu dans la rubrique « Clio a lu ». 2 Darius 1987.
Dans les milieux populaires précaires, la raréfaction de l’emploi salarié des hommes fragilise le lien qui unit les pères à leurs enfants, tandis que beaucoup de mères se replient sur les fonctions maternelles et considèrent leurs conjoints comme «dispensables», cette combinaison accélérant la dissolution des couples. S’appuyant sur une enquête ethnographique dans les milieux populaires précarisés d’une ville désindustrialisée, l’article montre que si les mères peuvent s’appuyer sur le réseau familial en cas de séparation, sur le temps long, la charge éducative fréquemment assumée de façon solitaire suscite l’épuisement et, dans certains cas, le rejet des enfants au moment où ils atteignent l’adolescence. Le filet de protection familial qui se tend alors doit alors être analysé de façon dynamique, en tenant compte à la fois des obligations morales et de la situation économique et matérielle des pourvoyeurs de «care » , ceux qui, de différentes façons, prennent soin de l’enfant. L’entretien de l’enfant se loge alors dans un système d’échanges économiques et affectifs informel et instable.
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