Malgré des appels répétés dans les campagnes de prévention du suicide pour que les personnes suicidaires s’expriment, plusieurs ne se sentent pas en sécurité de le faire. Puisque briser le silence est capital pour prévenir les suicides, la peur de parler est contreproductive. Comment expliquer ces silences ? La thèse défendue est qu’en dépit d’une laïcisation, d’une décriminalisation et même d’une certaine dépathologisation du suicide, les personnes suicidaires, leurs gestes et leurs discours demeurent inintelligibles en fonction d’une injonction à la vie et à la futurité. Des mécanismes sont en place pour culpabiliser, surveiller/punir et pathologiser les personnes suicidaires, les empêchant de parler. Je soutiens l’idée que l’injonction à la vie et à la futurité est promue par l’ensemble des discours actuels sur le suicide. Qu’il s’agisse de l’approche médicale, sociale ou biopsychosociale, les divers modèles sur le suicide aboutissent tous à la même conclusion : le suicide n’est jamais une option. Dans leur condamnation univoque du suicide, ces modèles n’écoutent les personnes suicidaires que dans une logique de surveillance, créant des espaces peu sécuritaires pour s’exprimer. M’inspirant des théories crip et des études du handicap qui critiquent le modèle médical et social du handicap et développent d’autres modèles, je propose l’adoption d’un modèle sociosubjectif du handicap pour interpréter le suicide.