Résumé C’est au début de la guerre froide, entre les Jeux Olympiques de Londres (1948) et les championnats d’Europe de Berne (1954), que le coureur de fond Emil Zatopek entre au Panthéon de l’athlétisme. Héros des Jeux d’Helsinki, le coureur tchécoslovaque devient rapidement l’un des plus grands emblèmes de l’athlétisme et aussi celui du régime politique en vigueur à l’Est. Engagé dans l’armée, l’athlète d’État monte dans la hiérarchie militaire au rythme de ses succès, passant du grade de sergent à celui de colonel. Son statut de sportif de haut niveau lui permet de bénéficier de conditions de vie quelque peu privilégiées, au sein d’un régime caractérisé par l’austérité et qui, en ce début des années 1950, fait régner la terreur totalitaire. C’est dans ce contexte de guerre froide qu’Emil Zatopek devient le porte-parole sportif du régime de démocratie populaire instauré en Tchécoslovaquie. Son rôle est celui d’un athlète d’État, dont les sorties internationales sont contrôlées et les paroles surveillées. L’homme apparaît totalement soumis au régime. Face à cela, au moment des évènements du Printemps de Prague, sa prise de position en faveur du réformateur Alexander Dubcek marque un engagement politique à la fois fort et inédit de la part de l’ex-champion. En ce mois d’août 1968, tandis que la répression militaire des chars Soviétiques bat son plein dans les rues de Prague, Emil Zatopek demande l’éviction de la délégation de l’URSS des prochains Jeux de Mexico. À partir d’une analyse d’articles de la presse française et étrangère, de documents vidéo et de quelques ouvrages de propagande, cet article vise à relativiser ce retournement d’opinion. Entre 1948 et 1968, la trajectoire d’Emil Zatopek dans la guerre froide est d’abord celle d’un homme dont le positionnement idéologique et sportif alterne en permanence entre soumission et rébellion.