151Ce que l'on appelle désormais communément les réseaux sociaux numériques 1 a connu en Chine un engouement massif, à défaut d'une épithète plus originale dès lors qu'il s'agit de l'immensité chinoise. L'on serait, suivant les statistiques officielles, à plus de 210 millions d'utilisateurs de « sites d'échanges sociaux » (shejiao wangzhan) en juin 2010 2 , soit exactement la moitié des 420 millions d'internautes chinois recensés en milieu d'année. Curieusement, la catégorie « sites d'échanges sociaux » n'apparaît pour la première fois dans le rapport semestriel du très officiel China Internet Network Information Center (CNNIC) qu'en janvier 2010, alors que des études plus commerciales attestent du succès des réseaux sociaux numériques en Chine dès 2008 -pesanteur bureaucratique ou reconnaissance différée volontaire ? Parmi les usages, la croissance du recours aux réseaux sociaux numériques (+19,6 % sur les six premiers mois de 2010) a doréna-vant dépassé celle des blogs (+4,5 %, 231 millions de bloggeurs). Le rapport du CNNIC souligne d'ailleurs qu'avec le développement exponentiel d'Internet mobile − aujourd'hui deux tiers des internautes chinois −, les sites d'échanges sociaux devraient connaître un déve-loppement « irrésistible » (buke zudang, littéralement « auquel on ne peut résister »). Notons que les plus fortes croissances semestrielles concernent avant tout les achats en ligne (+31,4 %, 142 millions d'acheteurs), les paiements en ligne (+36,2 %, 128 millions d'utilisateurs), et surtout les jeux en ligne (+70,5 %, 296 millions de joueurs) et les échanges de « messages instantanés » (+72,4 %, 304 millions d'utilisateurs). S'agissant de ces deux dernières catégories, elles entretiennent à l'évi-dence une parenté très étroite avec les réseaux sociaux numériques, puisque les fonctionnalités de messagerie instantanée, de microblogging et de jeux sociaux sont étroitement intégrées aux plateformes. Le divertissement et les jeux (par exemple, Happy Farm ou Mafioso) constituent d'ailleurs les principales raisons pour lesquelles un internaute chinois rejoint un ou plusieurs de ces réseaux (42,4 % reconnaissent tout simplement y « tuer le temps » et 27,4 % s'y rendre pour « jouer » à un jeu interactif) 3 .