En situation d'incarcération, le soutien des proches est essentiel, que ce soit pour apporter du linge propre à la personne détenue, l'encourager à supporter l'enfermement et à « garder le moral », ou encore pour l'aider à « résister à la désocialisation, remplir des rôles sociaux » 3 . La particularité de ce soutien est d'être particulièrement coûteux et éprouvant. En effet, venir visiter un proche détenu suppose non seulement de se soumettre au règlement intérieur de la prison mais également de s'exposer au stigmate carcéral. La question posée ici est donc de savoir qui sont les personnes qui s'engagent de manière systématique et régulière dans ce travail de soutien. En analysant « l'expérience carcérale élargie » qui traduit « l'emprise que les institutions carcérales exercent sur des personnes qui ne sont pourtant pas recluses » (Touraut, 2012), on prend la mesure de l'invisibilité des soutiens proposés par les proches. Or, l'expérience carcérale concerne un nombre de personnes bien plus étendu que ne pourrait laisser penser le simple décompte des personnes détenues en France. Pour quantifier ce phénomène, cette étude propose une analyse statistique inédite 4 des données de l'administration pénitentiaire concernant les visites en détention. La question posée est la suivante : qui vient rendre visite aux personnes détenues ? Plus précisément, l'étude présente un décompte des parloirs, compris comme faisant partie intégrante d'un véritable travail de soutien à la fois coûteux et invisibilisé. L'hypothèse faite est que ce travail de soutien, à l'instar du travail domestique (dont il constitue en partie une extension), est majoritairement pris en charge par des femmes. D'abord, l'étude met en évidence que les visites au parloir sont essentiellement réalisées par des femmes et ce, indépendamment du sexe de la personne détenue. Ensuite, l'étude démontre que les femmes se distinguent aussi en s'engageant dans un véritable travail de soutien régulier. Enfin, l'étude met en évidence que ce sont les mères (et non les pères) qui sont en première ligne face au travail administratif qu'exigent les demandes de permis et les réservations des parloirs. L'ambition de ce travail est d'administrer différentes preuves statistiques du fait que le maintien des liens familiaux en détention est essentiellement pris en charge par des visiteuses.1 Élève ingénieur à l'ENSAE en M2 recherche Sociologie Quantitative et Démographie (SQD) 2 Doctorant en sociologie au CREST, administrateur INSEE 3 Préface de Corinne Rostaing au livre de Caroline Touraut, La famille à l'épreuve de la prison (2012) 4 Ces données sont utilisées par la DAP pour répondre aux questions parlementaires mais n'ont pas encore fait l'objet d'un travail de recherche.