Le système nerveux doit faire face à un problème fondamental : s'adapter en permanence à un environnement changeant tout en gardant un niveau de stabilité pour maintenir son intégrité et garantir une cohérence au niveau comportemental. Cet équilibre entre adaptation et stabilité évolue profondément au cours de la vie d'un organisme, en particulier pendant le déve-loppement du cerveau. Les circuits neuronaux, d'abord très plastiques et exubérants, sont en effet largement sculptés par l'action de facteurs environnementaux qui modifient l'activité des réseaux de neurones et à partir desquels se constitue l'expérience « vécue » du sujet. L'élimination de certaines connexions nerveuses conduit ainsi à la mise en place de circuits synaptiques appropriés. Chez l'adulte, ces derniers montrent en revanche une capacité beaucoup plus limitée à se réorganiser en fonction de l'expérience, maintenant ainsi le plan général d'organisation des connexions entre neurones. Cette simple observation suggère que l'architecture, ou « câblage », du système nerveux mise en place et stabilisée pendant le développement constitue chez l'adulte un cadre au sein duquel des événements de plasticité contrôlent les flux d'informations nerveuses et sous-tendent des processus tels que l'apprentissage et la mémoire.Si la relative stabilité de l'architecture du système nerveux adulte apparaît évidente dans une situation normale (physiologique), qu'advient-il lorsque les circuits synaptiques adultes sont rompus (situation pathologique) et que les neurones survivants forment de nouvelles connexions ? Ces dernières permettent-elles la récupération des fonctions cognitives perdues ? Si oui, cette reconstruction a-t-elle besoin d'être régulée de la même façon que pendant le déve-loppement, c'est-à-dire façonnée en partie par l'activité neuronale ? Des études récentes réalisées dans le cervelet montrent que des neurones adultes peuvent reformer des connexions précises et fonctionnelles sans pour autant reproduire les phases développementales d'exubérance et de raffinement des connexions synaptiques. Nous présentons ici ces découvertes et discutons la possibilité de la mise en place d'une « trace développementale » qui permettrait de maintenir ou de reformer des connexions spécifiques similaires à celles formées pendant le développement.> Des études récentes réalisées in vivo et in vitro sur des neurones du cervelet de rongeur montrent que la formation des connexions synaptiques pendant une période critique du développement laisse une empreinte qui marque définitivement les neurones et les synapses qu'ils forment entre eux. Nous discutons la signification fonctionnelle et la nature de cette empreinte qui pourrait prendre la forme d'étiquettes moléculaires marquant et protégeant les connexions synaptiques sélec-tionnées pendant le développement. Ces éti-quettes, à l'image d'un « plan », permettraient de maintenir ou de reformer des connexions spé-cifiques, garantissant une cohérence au niveau comportemental. < M. Letellier :