Dans le domaine des études de genre, l’articulation entre multilinguisme et transculturalité au siècle des Lumières reste peu étudiée. Certes, des études récentes ont démontré que de nombreuses écrivaines, traductrices et éditrices éclairées se sont construit une vie à la croisée des langues et des littératures. Or, ces études ont surtout illustré la contribution active des femmes aux circuits de transferts culturels. Inversement, l’apport particulier du multilinguisme à l’auto‐façonnement intellectuel des femmes, et notamment à la construction de leur rôle de médiatrice, n’a pas encore été étudié en profondeur. Sur cet arrière‐fond, le présent article offre une micro‐lecture des correspondances de Marie‐Jeanne Riccoboni, écrivaine et traductrice active dans la seconde moitié du dix‐huitième siècle, qui s’engageait dans les rapports anglo‐français. La lecture des lettres adressées à David Hume et à David Garrick met en lumière l’apport stratégique du métissage langagier, d’une part, et des références aux pratiques multilingues, d’autre part, à la construction de ses rôles de romancière et de traductrice. Dans le cadre d’une recherche plus large sur les formes et les fonctions du multilinguisme dans les récits personnels de quelques médiatrices éclairées, cette lecture ouvre la voie à une analyse plus approfondie des pratiques multilingues au siècle des Lumières.