Tahiti : du culte au mythe de l’abondance

Abstract

À la fin du dix-huitième siècle, les premiers visiteurs européens ont véhiculé le mythe d'un Tahiti où régnait l'abondance alimentaire, à l'image d'un Éden terrestre. Or, malgré l'apparente profusion de la végétation naturelle et les nombreuses cérémonies de dons aux navigateurs, les anciens Mao'hi avaient mis en place une société d'abondance strictement limitée, où les rites de fertilité faisaient l'objet d'un culte omniprésent. Mythe européen de l'abondance et culte mao'hi de la fertilité sont les deux termes de ce malentendu premier, qui peut apporter un éclairage sur les pratiques contemporaines d'alimentation et de représentation du corps.

L’observation du local globalisé. L’exemple de l’espace social alimentaire polynésien

“…La Polynésie française et en particulier l'île de Tahiti ont fait et continuent à faire l'objet d'une vision édénique créée par les premiers Européens en contact à la fin du dix-huitième siècle : climat paradisiaque, profusion alimentaire naturellement disponible, relations sociales fondées sur la mise en commun et le partage, jusqu'à créer le mythe de l'abondance et de l'hospitalité tahitiennes (Serra-Mallol, 2005). Ces représentations se sont diffusées dans l'ensemble du monde occidental et ont été intégrées par les acteurs locaux eux-mêmes (Sherman, 2005).…”

Exclusion et dispositifs sociaux dans l'outre-mer du Pacifique. L'exemple de la prostitution de rue en Polynésie française

“…Des spécificités historiques et politiques propres à ce territoire colonisé depuis moins de deux siècles impriment leur influence sur une société polynésienne qui sort de cinquante années de politique de transferts publics massifs, lesquels ont représenté jusqu'à 70% du PIB du territoire, pour accompagner l'installation et le fonctionnement du centre d'expérimentation nucléaire du Pacifique (CEP). La Polynésie française, et en particulier Tahiti, ont fait et continuent à faire l'objet d'une vision édénique créée par les premiers Européens entrés en contact avec l'île à la fin du dix-huitième siècle : ressources alimentaires disponibles sans effort, relations sociales dépourvues de conflit fondées sur un communautarisme prônant le partage, mythe de l'abondance et de l'hospitalité tahitiennes en matière alimentaire (Serra-Mallol, 2005) comme sexuelle (Tcherkézoff, 2004), sont des représentations intégrées par les acteurs locaux eux-mêmes malgré la pérennité d'inégalités socio-économiques fortes. Dès ces premiers contacts a été relevée l'existence d'une forme de troisième genre, appelés mahu à Tahiti.…”