Rivalités et arrangements coopératifs pour l’accès à l’eau souterraine dans la plaine de Berrechid au Maroc

Abstract

Au Maroc, l’exploitation individuelle des eaux souterraines a permis le développement rapide d’une agriculture irriguée intensive. Dans la plaine de Berrechid, la ressource est limitée et surexploitée. L’agence de bassin tente depuis une dizaine d’années de mettre en place une contractualisation avec différents acteurs pour réguler les prélèvements en eau souterraine à usage agricole. L’objectif de l’étude est d’analyser en quoi la catégorisation des agriculteurs, se distinguant par leur accès à l’eau et au foncier, et les interactions entre ces catégories d’agriculteurs, sont utiles pour penser la gouvernance de la nappe. Une fois la dynamique de l’agriculture irriguée retracée, des enquêtes ont permis d’établir une typologie d’agriculteurs, puis les arrangements et rivalités entre les différents types d’agriculteurs ont été caractérisés. Les résultats montrent que l’utilisation accrue des eaux souterraines a déclenché des rivalités pour l’accès à l’eau, ainsi que l’exclusion de certains agriculteurs dans un contexte de baisse de la nappe. Pour dépasser ces problèmes d’accès, certains agriculteurs mettent en place des arrangements coopératifs autour des différents facteurs de production (eau, terre, capital, savoir-faire, main-d’œuvre). Cependant, ces arrangements accentuent, paradoxalement, la surexploitation de la nappe et les rivalités, et entraînent la poursuite et l’évolution des formes d’arrangements coopératifs. La compréhension fine de la nature des relations entre différents types d’agriculteurs peut permettre d’inclure une réflexion sur l’équité sociale dans le projet de concession aux associations de producteurs, qui pour le moment semble ignorer ces relations.

The role of water and energy use in expanding the boundaries of irrigated agriculture in the Berrechid plain of Morocco

“…Irrigated agriculture, relying on a 1500 km 2 aquifer, has become an important economic activity over the last 30 years and now accounts for 13 800 ha. Fieldwork was conducted in two villages covering 1046 ha in the municipality of Ouled Zidane (Ouassissou, Kuper, Dugué, et al, 2019). Their agricultural area covers 972 ha, of which 17% is irrigated.…”

“…Ten resident tenants own and/or rent 6.1 ha each. Five non-resident tenants only focus on market-oriented agriculture over 26 ha in total (Ouassissou, Kuper, Dugué, et al, 2019).…”

“…According to the river basin agency in charge of monitoring water resources in the study area, irrigated agriculture is responsible for more than 96% of groundwater withdrawals. The overexploitation of the Berrechid aquifer is mainly explained by the extension of irrigation by entrepreneurial tenants, producing carrots, potatoes and maize F I G U R E 1 Study area in the Berrechid plain (Ouassissou, Kuper, Dugué, et al, 2019). The extension of irrigated land is driven by the high demand for vegetables in national markets, as the plain is located close to Casablanca, Morocco's largest city.…”

Extraire la ressource, s’extraire du conflit. Réguler la surexploitation des mines et des eaux souterraines au Maroc

“…On peut enfin souligner le très grand nombre d'intermédiaires qui assurent le transport et la commercialisation des produits et qui font eux aussi vivre le territoire irrigué (Lejars et al, 2017).Contrairement aux conflits territoriaux dans les mines, l'enchevêtrement des situations prévient également la formation d'une frontière nette, au sein des exploitations familiales, entre les agricultures originaires de la région et les nouveaux arrivants, alors même que les migrations agricoles internes sont une réalité importante au Maroc. Le cas de la nappe de Berrechid fournit une bonne illustration de cet enchevêtrement entre autochtones et allochtones(Ouassissou et al, 2019). Située à quelques dizaines de kilomètres au sud-est de l'agglomération de Casablanca, cette nappe est utilisée depuis une vingtaine d'années pour l'irrigation de pommes de terre et de carottes dont une part grandissante est exportée en Afrique de l'Ouest.…”

“…Pourtant, la situation locale est en pratique tellement enchevêtrée qu'une telle opposition s'avère difficilement tenable. De nombreux agriculteurs originaires de la zone s'associent en effet à des extérieurs qui leur apportent le financement des intrants et de la main-d'oeuvre(Ouassissou et al, 2019). Ces contrats d'association, le plus souvent oraux mais avec une tendance à la formalisation écrite, fondent un échange mutuellement avntageux.également leurs puits peu profonds, qui servent à abreuver leur cheptel, s'assécher du fait de la surexploitation environnante.…”