I hommes & migrations n° 1274 49 Après la partition définitive de l'île d'Hispaniola en 1696, les deux entités étatiques voisines suivent des trajectoires différentes qui se reflètent au niveau économique, social et culturel. La République d'Haïti, plus pauvre, n'est perçue par sa voisine qu'en tant que problème, en raison du nombre important de ses citoyens qui vivent de l'autre côté de la frontière. Ce "problème" est toujours d'une actualité brûlante en République dominicaine. Il est au centre du débat politique dans les années quatre-vingt-dix, quand le leader noir aux origines prétendues haïtiennes, José Francisco Peña Gómez, est candidat à la présidence de la République. En République dominicaine comme dans de nombreux pays, c'est le thème récurrent dont certains hommes politiques se font le porte-parole ; l'immigration est alors instrumentalisée jusqu'à représenter une menace pour l'identité nationale. Deux tendances définissent l'immigration haïtienne : d'une part un discours officiel stigmatisant le Haïtien, d'autre part le recours à sa main-d'oeuvre bon marché. Ces deux tendances expriment tout le paradoxe dominicain. Précoce et durable, cette immigration alimente périodiquement les thèmes de l'actualité dominicaine et a été particulièrement instrumentalisée lors des campagnes électorales présidentielles des années quatre-vingt-dix.