En France, depuis deux ans, les médias ne cessent de diffuser les chiffres des contaminations et des décès liés à la Covid-19, produisant un effet paradoxal en suscitant la crainte, tout en rendant ces drames singuliers (Pujol et al ., 2020). Une surveillance épidémiologique a été mise en place par Santé publique France (SPF), dès mars 2020. Les mesures gouvernementales qui se sont appuyées sur ces chiffres ont fait l’objet de nombreuses critiques (Mucchielli et al ., 2020), voire d’une défiance (Idelson, 2021). L’urgence a placé au second plan un problème majeur : l’évolution des maladies chroniques (Jornayvaz et Wojtusciszyn, 2021), notamment du cancer. Or, certains cancers, comme celui du pancréas, ont eu un taux d’incidence en hausse entre 2010 et 2018, le cancer restant la première cause de mortalité en France. Dans cet article, nous nous intéresserons d’abord au dispositif de surveillance épidémiologique de SPF. Nous analyserons ensuite la manière dont les experts ont été mobilisés lors de cette crise sanitaire. Enfin, nous montrerons que cette gestion de crise a été construite sur une approche court-termiste, dans la mesure où la déprogrammation des opérations jugées « non urgentes » pour donner la priorité aux soins Covid-19 par rapport aux soins liés au cancer n’a pas permis d’anticiper la prochaine vague de surmortalité par cancer pourtant annoncée par plusieurs études médicales.