Raccrocher après avoir décroché de l’école : le temps au service de la décision

Abstract

Alors qu’en France 110 000 jeunes quittent chaque année le système scolaire sans diplôme, certains d’entre eux choisissent après plusieurs mois ou plusieurs années de “raccrocher”, c’est-à-dire de reprendre un parcours de formation. Si les processus menant au décrochage scolaire sont désormais connus, peu d’informations existent sur les processus menant au raccrochage. En prenant appui sur 118 entretiens menés avec de jeunes décrocheurs inscrits dans un dispositif de remédiation au décrochage scolaire et à partir d’une approche séquentielle de leurs trajectoires, cet article explore les conditions dans lesquelles se formule la décision de raccrocher.

L’expression discursive des mondes subjectifs du raccrochage scolaire

“…La verbalisation permet une formalisation et une reconstruction, une prise de conscience de l'articulation entre certains éléments de leur histoire. L'entretien biographique mené dans un cadre institutionnel de dispositif visant à accompagner le décrochage pourrait-il faciliter le passage entre les phases du « temps de l'ennui » et du « désenchantement » et celle de « la prise de décision » (Vollet, 2016)? Si on considère que l'accompagnement, en tant que pratique éducative, est soutenu par la narrativité (histoire et projet) afin de penser la temporalité du processus de raccrochage, penser l'accompagnement, c'est l'inscrire « dans une temporalité spécifique, c'est le penser en tant que processus, prenant en compte les capacités autotransformatrices des sujets » (Desmarais, 2011).…”

Agir sur le non-recours aux droits. Le travail d’accueil d’une association de lutte contre le décrochage scolaire

“…Par un travail de relance et de reformulation, les professionnels incitent les individus à envisager le décrochage comme une expérience sociale(Vial, 2014). Dans la grande majorité des cas, les jeunes ont poursuivi des activités sociales et ce temps de dérochage a pu leur être bénéfique(Vollet, 2016). Ici, le travail de « ré-étayage institu-tionnel » renvoie à un travail d'ouverture critique vis-à-vis des normes : ce qu'est censé être un parcours scolaire typique ; ce que sont censés faire les individus qui quittent le système scolaire ; ce qu'est censé être « apprendre », « étudier » ou « se former » ; ce qui est censé avoir de la valeur, ou pas, en termes d'activités sociales ; ce qui est censé se dire et se taire lorsque l'on raconte son parcours, etc.…”