Production sociale de l’herbe et inscription territoriale des éleveurs ovins pastoraux des Alpes du Sud

Abstract

Landscape of mountains and hilly areas of the Provence region are shaped by livestock farming and pastoralism. In that context, we analyse a special way for sheep livestock farming in extension since fifteen years: large size flocks, grazing all year long. These highly mobile farmers organize transhumance of flocks in alpine grassland for summer and on coastal plains during winter. We describe the relationship they build in the three pedo-climatic stages through which they move and the social networks they rely on, within the livestock farming actors and out of it in these territories. We show how lowlands are the place for an established “grazing economy”. It is based on one side on proximity social networks supporting reciprocity and, on the other side, on financial fluxes of a straight market economy. The conclusion analyses the social dimensions of these redesigns of livestock farming activities.Collines et montagnes provençales sont fortement marquées par l’élevage et le pastoralisme dont nous analysons une forme spécifique qui s’y affirme depuis une quinzaine d’années : la conduite entièrement au pâturage de gros troupeaux. Les éleveurs qui s’y engagent sont très mobiles : ils pratiquent la transhumance estivale en montagne et hivernale dans les plaines littorales. Nous décrivons la production sociale de l’herbe en analysant les relations que les éleveurs pastoraux entretiennent au sein du monde de l’élevage et en dehors dans les différents territoires entre lesquels ils circulent. Nous montrons comment la plaine est le lieu propre de ces éleveurs, associée à une production sociale de l’herbe reposant d’un côté sur un réseau social de proximité et une économie non marchande faite de réciprocité, de l’autre sur une économie marchande pleinement assumée. Pour finir, nous questionnons les reconfigurations et les enjeux sociaux de ces redéfinitions de l’exercice de l’élevage

Entre production d’agneaux, incitations environnementales et inscription dans le local

“…Cet élevage puise une nouvelle légitimation dans les réformes successives de la PAC de l'après 1992 : il s'est déjà réinscrit dans une dynamique pastorale et extensive sur la base de politiques publiques qui y ont incité en liant des soutiens financiers (Prime compensatrice ovine et indemnité compensatoire de handicap naturel) au niveau de capitalisation de l'exploitation (surfaces et taille des troupeaux). Les dispositions agri environnementales qui se mettent alors en place vont consacrer le rôle de production de ce qu'il est maintenant convenu de qualifier comme « services environnementaux » de cet élevage, et promouvoir le développement de troupeaux de grande taille très mobiles capables de saisir les incitations à pâturer « ici plutôt qu'ailleurs » mis en place par les gestionnaires territoriaux et opérateurs régionaux de l'environnement afin de maintenir des milieux naturels ouverts (Dupré et al 2017). Actuellement, à la défaveur du retour du loup, il apparaît que cette convergence d'intérêt entre élevage ovin pastoral et environnement puisse être remise en question.…”