Schizotypie et/ou névrose : la place des expériences réputées psychotiques Schizotypy and/or nevrosis: the place of deemed psychotic experiences Renaud Evrard Les expériences réputées psychotiques dans la population générale Des études épidémiologiques et psychométriques anciennes et récentes ont cherché à savoir si on pouvait déceler des processus psychotiques dans toute la population, c'est-à-dire chez des individus qui n'étaient pas nécessairement suivis en psychiatrie. Elles ont mis en évidence la présence sous-estimée d'hallucinations et de délires chez de nombreux individus restant sous le seuil de la psychose clinique. La première tentative systématique de déterminer si les hallucinations pouvaient survenir chez les personnes ne souffrant pas de maladie mentale ou physique fut réalisée en Grande-Bretagne à la fin du XIX e siècle par la Society for Psychical Research (SPR) de Londres (Le Maléfan, 2008a, 2008b). Dans l'étude connue sous le nom de Census of hallucinations (Sidwick et al., 1894), un total de 15 000 hommes et femmes répondirent à cette question : « Avez-vous déjà eu l'impression vivace de voir, de sentir ou d'entendre quelque chose qui, autant que vous puissiez le découvrir, n'était due à aucune cause extérieure ? » Au sein de l'échantillon total, 7,8 % des hommes et 12 % des femmes ont signalé au moins une expérience hallucinatoire ayant l'aspect de la réalité, le type le plus commun étant l'hallucination visuelle d'une personne vivante qui n'était pas présente au moment de l'expérience. Des hallucinations au contenu religieux ou paranormal ont aussi été répertoriées, et on a trouvé que les hallucinations auditives étaient moins communes que les hallucinations visuelles. Au final, le Census of hallucinations obtint des réponses affirmatives auprès d'environ 1 personne sur 10. Il est très étonnant de voir que les résultats de cette étude ont résisté à l'épreuve du temps, puisqu'ils ont été confirmé par plusieurs études récentes (Tien, 1991 ;Johns et al., 2004). Les expériences réputées psychotiques ainsi mises en évidence apparaissent comme des formes atténuées des hallucinations et délires habituellement attribués à la psychose, et en particulier sous la forme de croyances paranormales et d'expériences exceptionnelles, comme la sortie hors du corps ou l'impression d'un transfert de pensée. Cette catégorie des expériences réputées psychotiques en vient à recouvrir toutes les croyances et toutes les expériences dites bizarres ou inhabituelles, avec tout le relativisme contenu dans cette appréciation.