Poésie et anti-poésie chez Jules Laforgue

Abstract

Maître des conférences Tanta-Lettres « Mais l'humour n'empêche pas la voix pierrotique et clownesque de défendre une poétique en rupture de ban : une contre-poétique » 1 « Laforgue choisit délibérément une écriture à contre-pied de son thème et du genre ; à l'opposé de la poétique traditionnelle, basée sur la convergence objetstyle, il crée une poétique de la discordance » 2 « L'expérience générique de la poésie moderne, n'est-ce pas celle, double de l'émerveillement et du conflit ? Dans l'avancée de sa recherche surgissent des couples d'antinomies concrètes : proche et lointain, instantané et durable, ouvert et clos, expansif et replié, superficiel et profond, discret et continu, opaque et transparent, obscur et lumineux » 3 Jules Laforgue est né, le 16 août 1860, à Montevideo, en Uruguay. Il a dix-sept ans quand meurt sa mère et vingt quand meurt son père. Il a disparu prématurément à vingt-sept ans. Evidemment, l'aspect triste de sa courte vie coïncide parfaitement avec le climat mélancolique de cette fin du « mal de siècle ». Les départs successifs du jeune poète, entre l'Uruguay, la France et l'Allemagne, l'éloignent de tout sentiment d'enracinement et lui donnent un sentiment qui se reflète dans la majorité de ses oeuvres. Au surplus, il faut tenir compte de la séparation douloureuse et perpétuelle du poète d'avec sa famille, qui représente un solide fond de solitude, d'isolement et du sentiment d'exil et de dépaysement chez Laforgue. Nous voici devant un poète incertain, Jules Laforgue se situe entre les précurseurs de la poésie moderne : Baudelaire, Rimbaud et Verlaine et les symbolistes proprement dits comme Mallarmé ; c'est dans ce biais que s'intercale l'école décadente qui s'acharne à populariser le vers libre. Notre poète est allé à l'encontre de la poésie parnassienne trop positiviste ; à son tour, il a essayé de placer la poésie dans les rues, sur les places publiques et sur le terrain, avant qu'elle ne se situe au ciel chez les symbolistes radicalistes. Une lecture profonde des vers laforguiens nous montrent que le poète se place entre le symbolisme et le décadentisme : c'est-à-dire sa poésie se balance entre la perfection du symbolisme et le nihilisme du décadentisme. Parfois il est érudit remarquable, et souvent il cherche à effacer et même détruire tout exprès la forme et le fond de sa poésie. Nous assistons à un dialogue entre le déclin culturel de cette époque et les poncifs de son écriture ?la réponse à cette question alimentera la présente recherche et une telle étude s'impose. C'est ainsi que dans une âme de vingt ans se mêlent toutes formes d'influences de cette époque effervescente : bouddhisme, panthéisme, nihilisme, école décadente, modernisme, évolutionnisme, pour composer la toile de fond de