Pour reprendre un titre moderne, « notre besoin de consolation est insatiable 1 », or ce besoin est sans doute aujourd'hui pris en charge par les sciences sociales notamment par le care, ou par la psychologie et la psychanalyse avec le travail de deuil 2 . Mais la forme même que prend la consolation est sortie du champ de la réflexion alors même qu'elle était autrefois un élément fondamental. En 1992 déjà, Ilsetraut Hadot ouvrait la préface de son édition des Consolations de Sénèque en constatant la disparition du genre de la consolation 3 . Une nouvelle étape semble franchie depuis, puisqu'associer l'acte de consoler à un type spécifique de discours n'est plus ou pas un réflexe 4 . On pense couramment que, produite par un élan du coeur, la consolation est spontanée donc désordonnée, ou du moins sans forme préétablie possible, sans plan ni patron. En d'autres termes, si la pratique de la consolation n'a pas disparu, c'est le lien entre consolation et rhétorique qui s'est évanoui.
2Ces quelques remarques suffisent à situer l'ambition de ce numéro. Il s'agit d'étudier la consolation selon un spectre temporel large -de l'Antiquité à la fin du XVII e siècle 5 -, c'est-à-dire à une époque où le lien avec la rhétorique relevait de l'évidence partagée. Le problème est alors celui de l'immensité du corpus, qui n'est pas seulement textuel. On consolait par la parole, mais aussi par le geste. Le vaste corpus consolatoire contient donc des discours (eux-mêmes de nature très variée) et des pratiques, elles-mêmes connues grâce à des sources textuelles et, dans une moindre mesure, par l'iconographie. Ce vaste corpus est de plus résistant, puisqu'en dehors des grands textes classiques bien identifiés par la tradition littéraire et philosophique, il existe toute une série de discours consolatoires qui eux-mêmes se développent sous des formes très diverses pour ne pas dire tentaculaires. D'un côté, émergent des textes autonomes, souvent intitulés « consolations » et formant un genre véritable : le genre de la consolation, bien représenté par les lettres, mais pas uniquement. Bénéficiant d'une certaine notoriété ou d'une visibilité bien marquée, ce premier massif volumineux et foisonnant s'identifie sans trop de difficulté. D'un autre côté, on peut repérer de larges Présentation : consolation et rhétorique Exercices de rhétorique, 9 | 2017 En tant que genre et qu'interrogation existentielle, la consolation nous ramène donc aux sources même de la philosophie, aux questions les plus essentielles, celles qui conduisent à utiliser la raison et le savoir, mais aussi l'exercice de cette rationalité pour les mettre au service de la création d'une vie qui soit la plus libre possible. La Présentation : consolation et rhétorique Exercices de rhétorique, 9 | 2017