Performance, transparence et accountability  : une équation (dé) responsabilisante des professionnels exerçant en prison ?

Abstract

Cet article explore l’impact d’une lecture prédictive des risques sur l’exercice de certaines pratiques en milieu carcéral canadien, à partir à la fois du sens qu’en donnent les psychologues en établissement et d’un examen des lois et politiques en vigueur. Il apparaît que les exigences liées à l’acquisition de compétences en gestion et en évaluation du risque ressortent de préoccupations essentiellement managériales du système correctionnel. La recherche de la performance, de la transparence et de la satisfaction des clients façonne les interventions. Élevés au rang d’injonctions, ces impératifs participent au renforcement d’un ordre régulateur en les murs qui s’apparente à une gouvernance à distance destinée d’une part à gérer une figure de risque, le détenu, dont il est attendu qu’il « participe activement » à sa peine, et d’autre part à faire se conformer les intervenants à des logiques de prise en charge standardisées et mesurables, dont ils sont appelés à rendre compte.

Accountability policy forms in European education systems: An introduction

“…NPM configurations and effects on public services have been studied in a large number of countries, notably in the case of the hospital (Dent, 2005), administrations (Dunleavy and Hood, 1994) and the prison (Jendly, 2012).…”

L’édifice informatique des services socio-judiciaires en France et en Belgique : une architecture paradoxale ?

“…Il en résulte le dilemme suivant concernant la teneur du travail socio-judiciaire : des données plus claires et plus lisibles, facilement transmissibles, permettant de rendre compte des interventions réalisées et d'offrir des garanties en cas de litiges, mais recueillies de façon décontextualisée et faisant l'objet d'un calibrage numérique tel qu'elles s'avèrent plus difficilement interprétables pour témoigner du contenu qualitatif des interactions autour desquelles s'articule la prise en charge. Face aux efforts de standardisation qui insistent sur les dimensions comptables et matérielles de l'activité, telles qu'elles peuvent être recensées et traitées par les logiciels, la part consacrée au versant relationnel du métier (Demailly, 2008) tend ainsi à se réduire au profit d'une logique de reddition de comptes (accountability) (Jendly, 2012). Un tel constat témoigne du caractère équivoque de la logique d'homogénéisation des procédures informatiques, entre harmonisation équitable et standardisation rigide.…”

“…Dans le premier cas, les travaux consacrés aux interventions socio-judiciaires se répartissent en deux camps qui paraissent difficilement conciliables : d'un côté, ceux dont les travaux concluent à l'intérêt des instruments de gestion standardisés, y compris informatiques, pour favoriser un processus de « modernisation » (Herzog-Evans, 2013) susceptible | GOUVERNEMENT & a c t i o n p u b l i q u e | de rendre plus efficaces, objectives et homogènes des pratiques souvent jugées artisanales, subjectives et hétérogènes (Ottenhoff, Favard, 2001 ;Mair, 2004 ;Andrews et al, 2005 ;Raynor, 2007 ;Cortoni, Lafortune, 2009 ;Robinson, 2010 ;Dindo, 2011 ;Bauwens, 2011 ;Herzog-Evans, 2012). De l'autre, ceux qui critiquent et redoutent le recours à ce type d'instrument en soulignant les effets pervers et les limites liées à leur conception et à leur utilisation (Faget, 1992 ;Kaminski, 2010 ;Harcourt, 2011a et b ;Jendly, 2012 ;Hannah Moffat, 2012 ;Raoult, 2014). Nous avons l'un et l'autre contribué à cette perspective critique dans nos travaux respectifs, en insistant notamment sur les déséquilibres que ces instruments entraînent sur l'activité quotidienne des professionnels (Jonckheere, 2013) et sur la perception faussée des justiciables à laquelle ils aboutissent (Larminat, 2013).…”

Socio-Judicial Intervention at the Risk of the Incident: Autopsy of an Administrative Investigation Report

“…Dans les services et établissements du secteur de la justice pénale, et plus particulièrement pour ce qui concerne les pratiques d'intervention socio-judiciaire, cela s'est traduit entre autres par la volonté d'introduire une systématique et de clarifier les compétences des différents acteurs dans l'accompagnement des personnes suivies à travers la formalisation du processus de gestion des situations. Mais également par une injonction à la transparence (Jendly 2012) qui s'applique à tous les professionnels (surveillants, travailleurs sociaux, soignants, …). Considérée comme seule à même de garantir des conditions de sécurité suffisante dans la prise en charge des condamnés, elle a notamment conduit à un assouplissement du secret médical dans différents cantons.…”