Cet article aborde la question de la relation ambivalente entre forme et contenu dans les poèmes symphoniques de la fin-de-siècle. Il interprète les problèmes relatifs à la musique absolue et à la musique à programme dans le poème symphonique post-wagnérien comme deux dimensions d’une logique structurale intégrée, en explorant les possibilités d’application de l’idée de parcours tonal/narratif développée par Fred Lerdahl dans le contexte de la sonate, sous l’éclairage de la théorie de la forme sonate bidimensionnelle de Steven Vande Moortele, et en tenant compte de la pratique tonale post-romantique interprétée en termes de syntaxe double et de cycles hexatoniques (Richard Cohn). À travers une étude de cas de Pelléas et Mélisande op. 5 de Schoenberg (1902-1903), je propose un modèle de forme dialectique en repensant la tension entre les dimensions absolue et programmatique de la musique, la symphonie et le drame, et entre la conception formelle de la sonate et la tonalité étendue, comme un discours dialectique intégré dans le processus formel. Une attention particulière est accordée à ce que je théorise sous la forme de dissonances séquentielles, qui sont constituées par ce que j’appelle l’accord du destin et l’accord de Tristan : ces événements marquants culminent dans un moment structural caractérisé par la notion de moment ( Augenblick ) de Theodor W. Adorno, qui permet une réinterprétation rétrospective du discours formel en cours en tant que sonate, engendrant une reconceptualisation de la syntaxe formelle et tonale globale qui possède en même temps des implications programmatiques importantes. Cette approche accorde ainsi une importance équivalente aux propriétés formelles et programmatiques du poème symphonique, reconnaissant son statut en tant que genre distinctif qui trouve son origine à la fois dans la symphonie et dans le drame.