Parallèlement au baby boom , la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale correspond à un autre changement démographique en Europe et plus largement dans l’espace occidental, nettement moins étudié : l’ère du baby scoop , soit une augmentation des grossesses hors mariage suivi d’un accroissement du nombre d’enfants confiés à l’adoption. Cette étude explore ces changements sociaux et démographiques à la lumière du cas néerlandais où l’adoption n’est devenue légale qu’en 1956, une évolution parmi les plus tardives à cet égard à l’échelle de l’Europe occidentale ; tandis que l’avortement n’était autorisé qu’en 1984. Cette recherche embrasse deux questions : dans quel contexte légal et institutionnel les procédures d’abandon et d’adoption étaient-elles menées ? Quels étaient les vécus des femmes qui abandonnaient un enfant pour le confier à l’adoption à cette période, jusqu’à quel point leur décision était-elle influencée par une contrainte (perçue) ? Nos résultats, fondés sur des dossiers d’archives et des entretiens, ne montrent pas de signes explicites de contrainte formelle ou légale. Cependant, étant donné la nature des données dont nous disposons, une telle affirmation doit être avancée avec précaution, car, même en l’absence de traces évidentes de contraintes, nos résultats ont pu mettre en lumière des formes de coercition informelle, de persuasion et de pression exercées au cours du processus décisionnel menant à l’abandon. Étant donné la nature éclatée de l’aide aux femmes confrontées à une grossesse non désirée, les chemins menant à l’abandon étaient multiples. Ces chemins mobilisaient de nombreux acteurs qui pouvaient tous, à leur échelle, influer sur la décision de la mère de naissance ; même lorsque ces acteurs agissaient en fonction des recommandations officielles.