« Tandis que les barbares se déchaînent au travers des Espagnes et que l'épidémie n'en étend pas moins ses ravages, les richesses et les approvisionnements stockés dans les villes sont extorqués par le tyrannique collecteur des impôts et épuisés par le soldat. Une terrible famine fait des ravages, à tel point que les humains dévorent la chair humaine sous la pression de la faim, les mères, elles aussi, se nourrissent du corps de leurs enfants qu'elles ont tués ou fait cuire. Les bêtes féroces, habituées aux cadavres des victimes de l'épée, de la faim ou de la peste tuent aussi les hommes les plus forts et, repues de leur chair, se déchaînent partout pour l'anéantissement du genre humain. C'est ainsi que, par les quatre fléaux du fer, de la faim, de la peste et des bêtes féroces, qui sévissaient partout dans le monde entier, les choses annoncées par le Seigneur au travers de ses prophètes s'accomplissent 1. » Ainsi l'évêque Hydace 2 décrit-il, une cinquantaine d'années après les événements, les terribles conséquences de l'irruption en 409 dans la péninsule ibérique de groupes d'Alains, * Je tiens à remercier Jean-Pierre Devroey, Michel de Waha et Alain Dierkens d'avoir bien voulu relire une première version de ce texte. Ma gratitude va aussi à ceux qui ont bien voulu suivre pas à pas l'élaboration de l'article et en relire des versions intermédiaires : Frédéric Chantinne, Marie-Aline Laurent et tout particulièrement Séverine Olivier. Cette étude fait partie intégrante d'un projet de recherche devant aboutir à la réalisation d'une thèse de doctorat et intitulé : « Pratique, perception et symbolisme de l'anthropophagie dans l'Occident médiéval ». Ces recherches sont menées à l'ULB grâce à un mandat d'Aspirant du F.R.S.-FNRS et trouvent leur origine dans un mémoire de licence en Histoire médiévale : Vincent VANDENBERG, Quand l'homme mange l'homme : une approche de la question du cannibalisme dans l'Occident médiéval, Bruxelles, 2005 (mémoire de licence en Histoire, ULB, sous la direction d'Alain DIERKENS). 1 Debaccantibus per Hispanias barbaris et seuiente nihilominus pestilentiae malo opes et conditam in urbibus substantiam tyrannicus exactor diripit et milites exauriunt. Fames dira crassatur adeo ut humanae carnes ab humano genere ui famis fuerint deuoratae ; matres quoque necatis vel coctis per se natorum suorum sint paste corporibus ; bestie, occisorum gladio fame pestilentia cadaueribus adsuetae, quosque hominum fortiores interimunt eorumque carnibus paste passim in humani generis efferantur interitum. Et ita quatuor plagis ferri famis pestilentie bestiarum ubique in toto orbe seuientibus, praedicte a domino per prophetas suos adnuntiationes implentur. Cité d'après l'édition de référence (avec traduction anglaise) de Richard W. BURGESS, ed.,