La spécialisation de la recherche autour d’ordres de problèmes considérés comme spécifiques est une caractéristique forte des sciences sociales telles qu’elles se sont structurées tout au long du XXe siècle. La sociologie de l’art et de la culture est l’un des multiples produits de cette division du travail scientifique. Elle a ses réseaux de chercheur·e·s, ses revues, ses ouvrages de synthèse, ses évènements scientifiques, ses diplômes, son personnel, etc. Or, dans le prolongement de la réflexion de Durkheim, on peut se demander si la sociologie de l’art et de la culture ne doit pas être considérée comme le produit d’une « forme anormale » de division du travail scientifique. Si le présent dossier n’a pas pour objet d’apporter une réponse définitive à cette interrogation, il entend néanmoins la nourrir en présentant des cas de mise en question des frontières institutionnelles existantes, entre disciplines et au sein même de la sociologie. Les cinq articles et l’entretien qui constituent ce dossier, posent ainsi une question fondamentale à la sociologie de l’art et de la culture : celle de la pertinence d’une « partition réelle du réel » (Bourdieu et al. 1968 : 60) comme principe de division du travail scientifique. Les frontières extérieures dont traite ce dossier, qu’elles soient interdisciplinaires ou intradisciplinaires, sont finalement des limites au double sens du terme : possiblement trop poreuses, possiblement trop hermétiques, elles menacent le travail scientifique d’autant plus fortement qu’elles restent méconnues et d’autant plus longtemps qu’elles restent impensées.