Modes de prise en charge de la perte d’autonomie : l’offre contraint-elle les choix des personnes âgées ?

Abstract

Cet article s’intéresse à la sensibilité de la demande de prise en charge de la perte d’autonomie vis-à-vis de l’offre. En nous appuyant sur un modèle théorique, nous estimons la probabilité de choisir un mode de prise en charge grâce à une modélisation multinomiale utilisant les données des enquêtes CARE (Capacités, aides et ressources des seniors). Des restes à charge et densités théoriques sont estimés pour chaque alternative et individu afin d’évaluer l’effet de ces deux déterminants sur la décision de recourir à un mode de prise en charge spécifique. Cet article révèle que les choix sont contraints à la fois par le reste à charge de la prise en charge, sa variété et sa quantité mais que leur effet est limité. Classification JEL : D13, I11, I12, I14, J14.

Vivre à domicile ou en institution : quels sont les déterminants de la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées ?

“…La littérature scientifique concernant les facteurs associés à la prise en charge de la perte d'autonomie en établissement met en évidence que ce sont les limitations fonctionnelles et particulièrement les cognitives (Hoerger et al, 1996 ;Nihtilä et al, 2008 ;Carrère, 2020a), qui contribuent au recours à l'institution. Il dépend aussi de leur cumul avec des restrictions d'activité (Gaugler et al, 2007 ;Carrère et Jusot, 2020), leur arrivée soudaine (Laferrère et al, 2013), voire leur ordre d'arrivée (Gramain, 1997). Les travaux d'Amélie Carrère (2020b) montrent également que contrairement à ce à quoi l'on pourrait s'attendre, les restrictions d'activité non cumulées contribuent au recours à l'institution.…”

“…Les travaux d'Amélie Carrère (2020b) montrent également que contrairement à ce à quoi l'on pourrait s'attendre, les restrictions d'activité non cumulées contribuent au recours à l'institution. Les personnes présentant des limitations physiques cumulées aux restrictions d'activité restent majoritairement à domicile avec de l'aide à la fois de l'entourage et professionnelle (Carrère et Jusot, 2020). Le développement des services d'aide à domicile semble avoir permis de maintenir chez elles les personnes ayant des restrictions d'activité et des limitations fonctionnelles physiques.…”

“…Il semble que les catégories sociales favorisées aient plus de choix quant à leur prise en charge puisqu'elles ont plus accès aux modalités payantes. Par exemple, les cadres et professions intellectuelles ont moins recours à l'institution mais ont aussi plus recours à une prise en charge payante à domicile (Carrère et Jusot, 2020). À l'inverse, les peu diplômés mais aussi les agriculteurs, artisans, ouvriers et employés ont moins recours à une prise en charge en établissement.…”

“…À l'inverse, les peu diplômés mais aussi les agriculteurs, artisans, ouvriers et employés ont moins recours à une prise en charge en établissement. Ils ont aussi plus recours à une prise en charge à domicile avec uniquement de l'aide informelle gratuite (Carrère et Jusot, 2020). Ce résultat questionne l'accès à la prise en charge formelle à domicile ou en établissement puisqu'il semble exister un choix plus large de mode de prise en charge aux catégories sociales « favorisées » (les modes de prises en charge payants) et une « condamnation » à rester à domicile et solliciter l'entourage pour les catégories sociales « défavorisées ».…”

“…Les caractéristiques comme l'âge et le sexe sont des éléments qui peuvent modifier les préférences des personnes dépendantes concernant leur lieu de prise en charge. L'âge augmente la probabilité de vivre en établissement à un taux croissant, même en contrôlant l'état de santé fonctionnel des personnes (Carrère, 2020a ;Carrère, 2020b ;Carrère et Jusot, 2020). L'âge capte l'altération de certaines fonctions, l'apparition de certaines pathologies, l'isolement et le sentiment d'insécurité à domicile.…”