Étudier les esthétiques de la citation permet de mettre en lumière différents types d’appropriations de ce procédé, par ailleurs fort ancien, et de distinguer précisément, à partir d’un point de convergence, trois moments des cinquante dernières années, que l’on peut définir par la modernité, la postmodernité et l’hypermodernité et dont les oeuvres évoquées ici forment d’excellents parangons. La citation chez Stockhausen obéit aux logiques propres à la modernité des années 1950-1960 : exploration acoustique, prospection théorique et compositionnelle, âpreté du rendu sonore, fusion organisée entre les différentes citations ainsi qu’entre chaque matériau emprunté et son environnement. Avec Schnittke, la fusion se transforme en forte hétérogénéité, propre au temps postmoderne, en juxtaposition des styles, en exaltation des contrastes sur fond de résurgences tonales-modales particulièrement explicites. Dans l’oeuvre de Campo, la citation se veut objet ludique, léger, plaisant voire comique, tout en s’imprégnant d’une recherche subtile sur les modes de jeu ou sur la polymétrie, attributs plutôt portés par l’avant-garde des décennies antérieures. Ainsi que le constate Bouscant avec l’exemple de Michel Gonneville et Ofer Pelz (Bouscant 2015), la pratique citationnelle montre un désir « de dépassement, de renouvellement du matériau historique », quelle que soit la prégnance de l’emprunt. Elle agit également comme un révélateur particulièrement puissant des grandes lignes régissant les esthétiques de la musique contemporaine.