Basé sur une enquête ethnographique et archivistique menée sur une commune d’Île-de-France, cet article s’intéresse aux liens entre deux domaines de l’action municipale envers des populations émigrées et d’enfants d’immigrés : la sécurité d’un quartier de grands ensembles et le développement des pays d’origine de certains de ses habitants. La rencontre de ces deux secteurs d’intervention, qui montre l’existence de connexions entre des politiques répressives et des politiques sociales, est restituée à travers l’analyse de la circulation des discours, des dispositifs et des réseaux d’acteurs qui leur sont respectivement associés. Ces deux secteurs ont procédé chacun à un traitement ethnicisé de certains problèmes – au sens où ceux-ci ont été appréhendés au prisme de l’origine géographique ou culturelle des populations du quartier – et se sont appuyés sur la mobilisation de membres de groupes minoritaires subsahariens comme partenaires des politiques publiques. Les liens que les émigrés entretiennent entre pairs, ainsi qu’avec leur pays d’origine, ont ainsi fait l’objet de différents usages institutionnels : la réalisation de « projets de développement » devenant peu à peu une occasion d’encourager un encadrement renouvelé de certains jeunes, identifiés comme des délinquants potentiels, par des émigrés hommes et adultes du quartier. Pour en rendre compte, l’article revient sur l’apparition des politiques de la ville et sur le renforcement d’un agenda sécuritaire. Il présente les transformations des politiques municipales de développement, en lien avec les changements des projets migratoires en provenance de la vallée du fleuve Sénégal depuis les années 1970, et il analyse la structuration interne des réseaux communautaires.