Cet article étudie la construction d’un droit international des « peuples autochtones et tribaux » à partir d’un regard anthropologique sur la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme. Il met en lumière l’émergence d’une fiction juridique d’ « indien de la Cour », fondée sur une représentation essentialisée de l’indianité, associée à la conservation de la nature et à une culture ancestrale. Les populations afrodescendantes, dont la reconnaissance a marqué les années 1990-2000 en Amérique latine, doivent, pour accéder à la Cour Interaméricaine, se « faire passer » pour autochtones ou s’identifier comme tribales, terme utilisé dans d’autres contextes et ayant peu de sens aujourd’hui sur le continent américain. L’analyse de plusieurs cas traités par la Cour Interaméricaine montre, d’une part, les contradictions entre catégories utilisées par les juges, références normatives mobilisées et expertise anthropologique et, d’autre part, comment les clivages catégoriels identitaires liés à la procédure juridique conduisent à une accentuation du conflit entre État et victimes. Pourtant la Cour a bien abordé des situations de violation des droits propres aux populations afrodescendantes (racisme, héritage de l’esclavage) sans pour autant donner naissance à une jurisprudence faisant l’objet de discussions juridiques et mobilisable en termes de litige stratégique.