“…À la « grandeur » attribuée au mobile selon les principes de la cité par projets s'oppose la figure du « petit » qui, selon Boltanski et Chiapello, se réfugierait à l'inverse dans des « statuts » pour éviter « ces épreuves par excellence que constituent les moments de passage d'un projet à un autre ». Être mobile, ce serait alors se mettre à l'épreuve, entreprendre un nouveau projet et, par là, connaître une forme d'ascension sociale, qui ne correspond pas à un mouvement vers le haut ou vers le bas, comme dans les approches qui tendent à résumer la mobilité sociale à une « distance parcourue »(Hugrée, 2016), mais à un mouvement tout court. DominiqueMemmi (1996) avait mis en évidence la tendance à la métaphorisation corporelle des mobilités sociales, à travers des expressions comme « monter », « dégringoler », « chuter »... Ici, d'autres métaphores récurrentes dans les comptes-rendus journalistiques de reconversions artisanales traduisent le courage qui y est implicitement attribué : on parle de « franchir un cap », de « sauter le pas », de « tout quitter » pour s'engager dans un métier auquel « rien ne nous prédestinait ».La valorisation de la mobilité dans la construction du parcours professionnel conduit alors les enquêtés à envisager le changement de métier comme une « évolution » personnelle plutôt que sur le mode de la rupture.…”