Les sources antiques mentionnent plusieurs massacres de non-combattants par les armées romaines au cours des guerres menées dans la péninsule Ibérique entre la fin du III e siècle et la fin du II e siècle av. J.-C. 1 . Les plus célèbres sont celui de Cauca par L. Licinius Lucullus en 151 2 et celui d'un groupe de Lusitaniens par Ser. Sulpicius Galba l'année suivante 3 . Ces épisodes mettent en lumière la violence de conflits qui, en marge des batailles, affectèrent durement les populations hispaniques. La période de plus forte intensité de la confrontation est, de manière révélatrice, encadrée par les destructions de deux villes qui eurent un fort retentissement dans la mémoire culturelle romaine : celle de Sagonte par Hannibal en 219 et celle de Numance par Scipion Émilien en 133. Au sujet de cette dernière, Appien écrit au milieu du II e siècle ap. J.-C. des lignes particulièrement critiques envers le général et la gloire tirée du malheur des Numantins encerclés, affamés et poussés au suicide collectif :[…] αὐτός, εἴτε συμφέρειν Ῥωμαίοις ἡγούμενος, εἴτε ἄκρος ὢν ὀργὴν καὶ φιλόνεικος ἐς τὰ λαμβανόμενα, εἴθ᾽, ὡς ἔνιοι νομίζουσι, τὴν δόξαν ἡγούμενος διώνυμον ἐπὶ τοῖς μεγάλοις γίγνεσθαι κακοῖς. Καλοῦσι γοῦν αὐτὸν οἱ Ῥωμαῖοι μέχρι νῦν, ἀπὸ τῶν συμφορῶν, ἃς ἐπέθηκε ταῖς πόλεσιν, Ἀφρικανόν τε καὶ Νομαντῖνον.[…] il prit sur lui de détruire [Numance], soit parce qu'il pensait que cela était utile pour Rome, soit parce qu'il était excessif dans la colère et plein de rancoeur pour 1. Les réflexions exposées dans cet article ont été présentées une première fois dans le cadre de la table ronde de l'ANR Parabainô « Violences de masse et violences extrêmes en contexte de guerre dans l'Antiquité » (Caen, 8-9 mars 2022). Je tiens à remercier les organisateurs de la rencontre ainsi que tous les participants : ce travail doit beaucoup à leurs remarques et à leurs réflexions stimulantes ; ces remerciements s'adressent tout particulièrement à Nathalie Barrandon, qui a accepté d'en relire une première version.