Les gares au miroir de l’urbain

Abstract

Dossier 1 La gare, matrice urbaine La relation que nouent la gare et l'urbain conduit tout d'abord à réinterroger cet artefact technique et territorial dans sa dynamique temporelle longue. La gare marque fortement l'émergence dans la deuxième moitié du XIX e siècle, d'une métropole des techniques, d'une industrie des réseaux, d'une société de l'événement et de l'avènement (Chéroux, 1996 ; Bowie, Texier, 2003 ; Desportes, 2005 ; Sauget, 2009). Les sens y sont frappés par l'impression d'accélération. « La mer du Nord déferle au seuil de ma porte » écrit le parisien d'adoption Heinrich Heine peu après la mise en service des premières grandes lignes européennes. Et le baron Joseph Von Eichendorff d'ajouter que « ces voyages à la vapeur mêlent continuellement les uns à travers les autres, à la manière d'un kaléidoscope, les objets d'un monde qui, pourtant, à la vérité, ne se compose plus que de gares […] » (Schivelbusch, 1990, p. 43). Les gares au miroir de l'urbain Nacima Baron Nathalie Roseau « Partir par la gare, c'est, en effet, constituer d'une façon privilégiée, la ville comme une totalité. […] Dans la gare, avant de partir, nous avons le sentiment de tourner le dos à toute la ville, encore présente et non point réduite à une représentation lointaine. En effet, la gare comme nous le verrons par la suite, est en dehors et en dedans de la ville. Nous pouvons alterner les points de vue : assez proches d'elle pour être assurés de son existence, assez distants pour la globaliser du dehors. »

La patrimonialisation des lieux de transport

“…C'est le cas par exemple en France, où ce processus a été permis par la mise en réseau du pays au cours de la première moitié du XX e siècle. Ces gares font donc partie du patrimoine industriel de nombreuses villes (Baron et Roseau 2016), comme Paris (gare du Nord), Londres (Euston Station) ou encore Liverpool (Lime Station). Pour l'historien Georges Duby (1983), la gare constitue d'ailleurs et dès la fin du XIX e siècle l'une des « expressions majeures » de la ville et des valeurs des sociétés, à l'instar des cathédrales gothiques 700 ans auparavant.…”

“…Si de nombreuses gares sont patrimonialisées, il n'en demeure pas moins qu'elles conservent le plus souvent des aspects fonctionnels, accueillant quotidiennement de nombreux passagers. Dès lors, ces gares font régulièrement l'objet de projets de réaménagement et sont donc sujettes à des évolutions qui donnent libre cours à des batailles patrimoniales (Baron et Roseau 2016). En effet, ces gares sont souvent considérées comme des lieux à forte valeur symbolique (Baron et Roseau 2016) par les habitants de leur ville d'ancrage, occasionnant des mobilisations et des conflits entre acteurs.…”

Les tiers-lieux en France : quelle place pour les zones hors métropole ?

“…Le sociologue et anthropologue Isaac Joseph (1999) a déjà montré comment ces « pôles d'échange » se muent en galeries marchandes et en lieux d'interaction sociale (Joseph, Kaminagai & Amar, 1999). Ainsi, comme le soulignent Roseau et Baron-Yelles (2016), la gare, « matrice des villes », « accueille des usages qui n'ont pas spécifiquement à voir avec la finalité ferroviaire, mais procèdent de son rôle d'attracteur », ce qui lui confère un rôle de « place urbaine » et notamment de nouveau pôle commercial.…”

“…Ces territoires ferroviaires en transformation impliquent un partenariat public-privé innovant au sein d'une gouvernance nouvellement mise en place dans laquelle de nouveaux coeurs de métiers et de nouveaux savoirs faire apparaissent : l'immobilier de gare doit répondre aux concepts en expérimentation des distributeurs in situ, les enseignes en gare ont besoin de s'adapter aux clientèles de plus en plus diversifiées, à l'hybridation commerciale qui nécessite une vente omnicanale efficace et lisible (Baron, 2016 ;Baron & Hasan, 2016), etc.…”

Designing Paris Gare du Nord for pedestrians or for clients? New retail patterns as flow optimization strategies

“…Across Europe, station management has gradually (but uncompletely) been taken out of the hands of the historic national rail operators, and station operators have to adopt a position of growing neutrality towards the diff erent rail operators and HS operators that use their stations. In France, the station operator Gares&Connexions is still entirely state-owned, but it finances major station upgrading projects from two kinds of income (Baron & Roseau, 2016). First, fees paid by the regulated sector (for train access to stations and for the use of station premises: ticket offi ces, technical premises …), and second, deregulated income earned from the leasing of retail space (Desruelles, 2009).…”