Pieds-noirs, têtes hautes 165 en France où ils sont mal accueillis et rejetés dans le camp des oppresseurs. Près d'un million de pieds-noirs forme un groupe soudé par l' expérience de l'exil malgré leur diversité sociale, religieuse et politique. 3 L'histoire de ces représentants d'une colonisation ambiguë, à la fois productrice de richesses et profondément inégalitaire, débute avec la conquête et la prise d' Alger en 1830. Dans les années qui suivent et jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, une population composite quittant leur patrie pour des raisons politiques, sociales et économiques s'installe en Algérie.L'historien Michel Winock rappelle que "la France encourage l'immigration, en provenance soit de la métropole (Alsace-Lorraine, surtout les départements du Midi), soit des pays méditerranéens (Espagne, Italie et Malte). La confiscation, l' expropriation des terres arabes par le contingentement, la colonisation étatique et la colonisation privée permettent d' offrir aux nouveaux colons des lots individuels gratuits ou à bas prix. " 4 Face à la population musulmane paupérisée, peu scolarisée, sous-administrée et plus nombreuse, ces nouveaux habitants accèdent à la citoyenneté française grâce au décret Crémieux de 1870 pour les Algériens de confession israélite et la loi sur la nationalité de 1889 consacrée aux enfants d' étrangers. Sous la Troisième République, le lobby algérien ayant des velléités de séparatisme empêche toute réforme allant dans le sens de l' émancipation, y compris par l'assimilation des populations musulmanes. Se comparant à leurs concitoyens de métropole, "les Français d' Algérie ne perçoivent pas qu'ils sont partie prenante du fait colonial, c' est-à-dire d'un système de privilèges dont ils bénéficient par rapport aux colonisés. " 5 Pour autant, tandis qu'une minorité de colons accumule de considérables fortunes sur la base de terres spoliées avec le concours de l'État, le train de vie de la plupart des Français d' Algérie est inférieur à celui des Français de métropole. Citadins attachés à l' Algérie qu'ils considèrent comme leur pays et le prolongement de la France, ils partagent parfois les mêmes réalités sociales et spatiales que les colonisés. En cela, ils composent une société complète, avec tous les métiers, tous les statuts possibles, et non une caste de riches et d' exploiteurs. Les images de cette population en train de fusionner se transforment en trois phases: médiocre de 1830 à 1880 (pauvreté, dureté du travail, conditions dangereuses et précaires de l'installation et maladies), laudative de 1880 à 1939 (courage, ardeur, capacité d'initiative, invention et génie) et, après une quinzaine d'années d'indifférence, dépréciative de 1954 à nos jours (richesse, égoïsme, exploitation, ignorance, arrogance, pensée réactionnaire et racisme). Afin de répondre à l'invitation lancée par l'historienne Jeannine Verdès-Leroux,