À partir d’entretiens réalisés dans deux localités au Québec, dont
une en milieu autochtone, touchées par des grappes localisées de suicide de
jeunes, les représentations et les répercussions de ces évènements sont
interrogées. L’objectivation d’une série de suicides dans un temps et un lieu
donnés ne suffit pas à qualifier le phénomène, qui renvoie à une réalité à la
fois physique et sociale, et qui fait l’objet d’un processus de construction
sociale. Celui-ci va contribuer ou non à transformer plusieurs tragédies
individuelles et familiales en enjeu collectif qui concerne et interpelle
l’ensemble de la collectivité affectée. Au-delà de la proximité temporelle et
géographique des cas de suicides, c’est le fait que le phénomène atteigne des
adolescents et des jeunes adultes, dans des proportions parfois importantes, qui
interpelle profondément les communautés concernées et qui oblige les adultes à
se questionner sur les raisons pour lesquelles une partie de la jeunesse
manifeste, au travers de l’acte suicidaire, une grande vulnérabilité qui ébranle
les fondements de la vie sociale et de la transmission intergénérationnelle.Based on interviews carried out in two Québec
communities, including one First Nations community, affected by local clusters
of youth suicide, this article examines the representations and repercussions of
these events. Merely objectifying a series of suicides in a given time and place
is not sufficient to describe the phenomenon, which also concerns a reality that
is both physical and social and which is subject to a process of social
construction. This may or may not contribute to transforming several individual
and family tragedies into a broader issue that concerns and involves the entire
community that has been affected. Beyond the suicides’ proximity in place and
time, it is the fact that the phenomenon affects adolescents and young adults,
sometimes in significant proportions, that deeply troubles these communities and
forces adults to question why a portion of its youth, though the act of suicide,
manifests a vulnerability so great that it shakes the foundations of social life
and intergenerational transmission