Cet article propose une contribution circonstanciée aux enjeux épistémologiques,
méthodologiques et politiques de l’enquête sociologique impliquant des jeunes accompagnés en
protection de l’enfance et orphelins. L’article présente la manière dont les présupposés qui
guident les étapes préalables à la rencontre des jeunes conditionnent l’enquête et peuvent
barrer l’accès à des phénomènes nouveaux. Il donne aussi à voir le statut de la parole des
enfants et jeunes protégés.
Les difficultés d’accès à la parole des jeunes dans le cadre d’une recherche dans
des services de protection de l’enfance accompagnant en France des enfants à domicile ou
dans le cadre d’un placement sont analysées à deux niveaux. D’une part, celui du cadrage
éthique, en amont de la recherche. D’autre part, celui de la résistance des professionnels
socioéducatifs, intermédiaires entre la chercheuse et les jeunes. Nous montrons que
l’invisibilité de la problématique interrogée et la reconnaissance de sa légitimité comme
objet de recherche par ces professionnels jouent ici un rôle crucial. Le contact avec les
jeunes concernés et la manière dont se déroulent effectivement les entretiens mettent au
jour l’écart entre des principes prévisionnels et les dilemmes éthiques qui se posent au
sociologue en situation.