“…Les best-sellers ne constituent pas une catégorie homogène, mais, à la manière des genres en voie de légitimation et notamment du roman policier, comportent un pôle supérieur, considéré comme légitime par les lecteurs lettrés, et un pôle illégitime, rejeté par les lettrés, ce qui les amène à être distribués à différents niveaux de la hiérarchie des légitimités, à l'instar du roman policier dans l'analyse de Patrick Parmentier[ 36 ]. En sélectionnant les "Nouveautés", les bibliothécaires choisissent les plus légitimes des best-sellers et participent ainsi à la fabrication d'une culture moyenne, produite certes par ce qu'Emmanuel Wallon a désigné comme une "censure par la moyenne"[ 37 ], c'est-à-dire une double élimination du plus illégitime et du plus légitime, mais qui inclut les auteurs consacrés ("Si Le Clézio sort un bouquin au mois de septembre, c'est évident qu'il va faire une Nouveauté", explique par exemple une bibliothécaire chargée de la sélection des "Nouveautés") et les auteurs que les bibliothécaires considèrent comme importants, au double sens où ils font partie d'une culture partagée et où ils sont susceptibles de fournir différents profits de lecture, et donc aussi d'entretenir la pratique de la lecture.31 Ce faisant, les bibliothécaires participent aussi à construire l'auctorialité, c'est-à-dire à faire des auteurs des écrivains à part entière en participant à les reconnaître et faire connaître[ 38 ]. Dans leur sélection, le nom d'auteur est en effet un critère déterminant, associé à un capital symbolique : un auteur dont il est évident qu'il mérite d'être sélectionné en "Nouveautés" est un auteur qui a déjà bénéficié d'un accueil favorable du public et de la critique et que les bibliothécaires s'attachent à suivre.…”