Si un livre demeure emblématique du déclenchement de la Révolution tranquille au Québec, c’est bien celui de Jean-Paul Desbiens, publié en 1960 sous le titre Les insolences du frère Untel. On connaît bien sa genèse, son contenu et ses répercussions retentissantes dans la société québécoise, mais on connaît moins bien le destin mouvementé de son auteur, exilé à Rome puis à Fribourg par sa hiérarchie avant de revenir au Québec à l’été 1964, avec une charge au ministère de l’Éducation. Cet article se focalise sur le séjour de Jean-Paul Desbiens à Fribourg, en Suisse, de septembre 1962 à juillet 1964, durant lequel il va principalement se consacrer à la rédaction d’une thèse sur l’oeuvre de Jean Piaget. Quelle valeur prend ce séjour helvétique dans le parcours intellectuel de Jean-Paul Desbiens ? Comment vit-il cette expérience d’exil au quotidien ? S’intègre-t-il à son milieu de vie ? Quels sont ses réseaux de contact et d’amitié personnels ? Met-il en rapport ce qu’il observe de la vie helvétique avec l’évolution politique et sociale du Québec, qu’il suit à distance ? Cet article tente de répondre à ces questions, principalement à partir de l’abondante correspondance échangée entre Martin Blais et Jean-Paul Desbiens durant cette période fribourgeoise.