> Cette revue synthétique présente, à partir des données épidémiologiques et de recherche les plus récentes sur le sujet, les enjeux actuels de la lutte contre la lèpre. À côté des progrès importants réalisés dans l'étude génomique du bacille de la lèpre, ainsi que dans la compréhension des mécanismes fondamentaux de sensibilité individuelle à la maladie, la stagnation de l'incidence des nouveaux cas annuels observée depuis une dizaine d'années est source d'interrogations. Si l'efficacité des traitements recommandés est confirmée par un faible taux de rechute, le tarissement espéré des nouveaux cas par réduction de la contagiosité des cas traités tarde à se manifester. Des études récentes sont en faveur de l'efficacité d'une prophylaxie par prise unique de rifampicine et/ ou vaccination par le BCG des sujets contacts, ce qui pourrait permettre une accélération de la réduction de l'incidence de la maladie. Toutefois, aucune prise de position officielle sur ces travaux ne valide la mise en oeuvre de telles stratégies. Du fait d'une ambiguïté dans l'expression des objectifs opérationnels de prise en charge de la lèpre, « l'élimination en tant que problème de santé publique » de la maladie ne devant notamment pas être confondue avec une « éradication » qui n'est nullement d'actualité, une démobilisation dans la lutte contre la lèpre est à redouter. < le juste reflet des importants -et réels -succès obtenus dans la lutte organisée contre ce fléau, qui n'est indiscutablement plus ce qu'il a pu être. Mais, pour une maladie dont aucune donnée n'indique qu'elle est éradiquée, ou seulement en passe de l'être, il paraît licite de faire le point sur l'état des connaissances la concernant aujourd'hui, ne seraitce qu'au regard des plus de 200 000 nouveaux cas encore répertoriés de par le monde chaque année [1]. Nous souhaitons présenter ici un panorama des principales avancées récentes ainsi que des enjeux concernant la lutte contre la lèpre aujourd'hui.
Données épidémiologiquesL'introduction au début des années 1980 de protocoles thérapeutiques « courts » (de 6 mois à 2 ans selon la forme clinique) comportant de la rifampicine et permettant de guérir bactériologiquement les malades avec un taux de rechute extrêmement faible, alors qu'il s'agissait volontiers autrefois de traitements « à vie », a bouleversé l'épidé-miologie mondiale de la maladie [2]. Dès lors qu'on passait, pour évaluer le nombre de malades, de files actives cumulatives à un reflet de l'incidence annuelle de nouveaux cas, le nombre de « malades de la lèpre » (c'est-à-dire, en pratique, de malades diagnostiqués et traités par antibacillaires) a considérablement chuté, passant de plus cinq millions en 1985 à moins de trois cent mille cas annuels depuis 2005 (Tableau I). Un espoir implicite de cette stratégie était que, puisque le risque d'exposition des sujets sains à des malades actifs disséminateurs de bacilles diminuait de façon drastique, l'incidence des nouveaux cas devait se tarir en quelque sorte d'elle-même du fait d'une réduction « mathématique » du r...