La femme invisible : la collaboratrice politique

Abstract

La collaboration politique est-elle, en France, un genre masculin ? On constate qu'il est possible d'écrire l'histoire de cette forme particulière de collaboration, sans mentionner, ou quasiment, les femmes. Entendue ici comme l'adhésion à un groupement favorable à la politique de l'occupant entre 1940 ou 1944, la collaboration politique est une affaire d'hommes : les femmes n'y joueraient aucun rôle, ou à la marge seulement 1. Apolitique, la collaboration des femmes se décline sur le mode de la continuité des rôles sociaux et de la répartition sexuée des tâches. Elle mobilise un savoir-faire, et c'est la collaboratrice mondaine qu'incarne Corinne Luchaire, l'« icône de la collaboration positive 2 ». Résultat de la manière d'être d'un sexe dit faible qui manie la menace et se complaît dans la délation, la collaboratrice prend les traits de la dénonciatrice allant « le dire à la Kommandatur 3 ». Or la dénonciation n'est pas un crime de femmes, mais bien davantage comme l'a établi Julie Chassin à partir des archives de la cour de justice du Calvados, un crime lié aux circonstances de la guerre. À un moment où les hommes sont mobilisés, requis par la Relève puis le Service du travail obligatoire, si les femmes dénoncent plus que les hommes, c'est d'abord… parce que les femmes sont plus nombreuses que les hommes 4. Paradoxalement, depuis Sartre et son célèbre « Qu'est-ce qu'un collaborateur ? » publié dès 1945, la collaboration a un sexe : c'est « une activité féminine, subissant l'attrait puissant et masculin de l'occupant dominateur 5 ». Ne s'incarne-t-elle d'ailleurs pas, lors de la Libération, dans des figures outrageusement sexuées, telles la

Understanding complicity: memory, hope and the imagination

“…(Diamond 1999, p. 75) Supported by communists, women organised protests against the rationing policy in 1942 (Schwartz 1999). The establishment of the Service du Travail Obligatoire -the regimented recruitment of French citizens to work in Germany -fuelled a dramatic change in public opinion that made it difficult for the institutions of repression to recruit French personnel (Simonin 2010, Joly 2013. November marked the beginning of the Allied 'Operation Torch' in North Africa, which emboldened the population's imagination about the possibility of freedom, simultaneously worrying collaborationists who proceeded to calibrate their hopes and rethink their political alliances.…”

“…xxix Building on archival work, Joly speculates that office work was not appealing for the collabos 2016xxx Unsurprisingly, during the post-war legal purges, miliciens received much harder punishments than miliciennes, once again affirming gendered notions of responsibility (Simonin 2010).…”

Sexual misconduct

“…Similar ideas persisted after the Second World War. 2 Philippe Nivet states that in 1914-18 this gendering of what he calls collaboration was the cornerstone of the non-occupied French view of the occupied populations as 'Boches of the Nord' . 3 In the occupied Nord, many locals also engaged in such gendering: the primary form of misconduct evident in the sources involved intimate relations between Frenchwomen and Germans.…”

Understanding twentieth-century wars through women and gender: forty years of historiography

“…After 1918, traces of the wartime culture persisted, even though the transnational feminist 40 For example, Delaporte 1996 and Le Naour 2011. 41 Leclerc & Weindling 1995;Simonin 2009. 42 Ponzani 2012.…”