La création de Moncton comme « capitale culturelle » dans l’oeuvre de Gérald Leblanc

Abstract

Un des legs important de l’oeuvre de Gérald Leblanc est d’avoir créé le mythe très improbable de Moncton comme capitale culturelle de l’Acadie. Il y parvient en utilisant des stratégies éprouvées ailleurs, comme l’intégration à son oeuvre d’un récit sur Moncton comme centre fébrile de création artistique et la mise en scène des oppositions parallèles tradition/modernité et ruralité/urbanité. Les handicaps de Moncton à une vocation culturelle en langue française deviennent pour Leblanc des stimulants qui relancent son écriture. La construction symbolique de Leblanc autour de Moncton s’avère très efficace dans le cercle des artistes acadiens et de leur public qui adhèrent à la croyance au mythe et en font une réalité. Au delà de l’Acadie, le pouvoir du mythe est plus aléatoire et si certains y adhèrent, d’autres soulignent le décalage entre le Moncton rêvé par Leblanc et la réalité.One of Gérald Leblanc’s most important legacies is the unlikely creation of the myth of Moncton as the cultural capital of Acadie. He succeeds in doing so by using proven strategies, such as the introduction into his works of a narrative describing Moncton as an ebullient centre for arts and culture as well as through the construction of parallel oppositions, both temporal and spatial, such as the traditional versus the modern and the rural versus the urban. Moncton’s shortcomings as a capital for a francophone culture become, in the eyes of Leblanc, occasions for literary possibility. Leblanc’s symbolic re-construction of Moncton is deemed very compelling by the inner circle of Acadian artists and their public, who believe in the myth and, in so doing, make it a reality. Beyond Acadie, the power of the myth is more uncertain; while some accept it, others point to what they perceive as being the gap between Moncton in the poetic dream of Leblanc and Moncton in its reality

Régimes linguistiques et symboliques : les structures juridiques de la littérature acadienne

“…François Paré a bien souligné comment « les petites littératures tendent à glorifier l'espace » (Paré, 2001 : 115). En Acadie, cette glorification de l'espace n'est nulle part plus manifeste que dans le cas de Moncton, érigée au rang de capitale culturelle tant chez les sociologues que chez les littéraires (Boudreau, 2007). Or en sciences sociales comme en littérature, le territoire dont il est question, en particulier dans le cas de Moncton, porte la trace de la déterritorialisation, prend la forme d'un archipel identitaire, dont on ne s'intéresse qu'aux parcelles qui renvoient à la communauté.…”

“…Nombreux sont d'ailleurs les chercheurs à estimer que les écrivains et les écrivaines sont les porte-paroles d'une Acadie contemporaine (Boudreau et Boudreau, 2004 ;Boudreau, 1998), caractérisée par son identité postmoderne, hybride et fluide (Lord, 2004 ;McLaughlin, 2001McLaughlin, , 2010McLaughlin, , 2013Leclerc, 2006) et par son urbanité (Paré, 1998 ;Lord, 2006 ;Brun del Re, 2016 ;Doyon-Gosselin et Morency, 2004 ;Morency, 2007 ;Boudreau, 2007). Les artistes en général, et les littéraires en particulier, ont en effet succédé à l'élite clérico-nationaliste et se sont imposés comme une « élite définitrice » de la francophonie.…”

Le Manifeste scalène de la « 4e génération » d’artistes en Acadie : vers une relève régionale

“…ville qui présente un appel de l'avenir, qui offre la possibilité d'un changement radical : la modernisation, voire la modernité urbaine. » (Lord, 2006, p. 70) Au début de ce mouvement de construction de Moncton comme « capitale culturelle » de l'Acadie (Boudreau, 2007;voir aussi Brun del Re, 2012), on retrouve le principe d'un choc des générations qui se décline en dichotomies : la modernité contre la tradition, bien sûr, qui rejoint l'opposition de la poésie des jeunes écrivains des années 1970 au roman d'Antonine Maillet, mais aussi l'urbanité s'affirmant contre la ruralité. Comme l'explique Raoul Boudreau, « Moncton incarnera donc l'urbanité comme lieu de fabrication de la modernité opposée à la ruralité comme lieu de sauvegarde et d'expression de la tradition.…”